Le Monde des Pyrénées

Ours - Témoignages de bergers de l'Ariège - Pyrénées

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Nous disposons de témoignages sur 3 estives du Couserans en Ariège – Pyrénées qui nous donnent le ressenti des bergers confrontés à l’ours. Difficile d’avoir meilleurs témoins que ceux qui vivent au quotidien en montagne avec leurs troupeaux. Ils n’ont pas besoin de donneurs de leçons de bouffons incompétents et non professionnels de l’élevage qui pensent à leur place depuis leur ordinateur.

- Témoignage d'un berger-éleveur sur l'estive d’Arréou (Seix)

"Les outils de protection de nos troupeaux en estive n’ont aucune utilité ..... au contraire".

Gérard Pujol, éleveur sur la commune de Seix et également berger sur l’estive d’Arréou à Seix, souhaite réagir avec force face aux mensonges et à l’intoxication véhiculée par les pro-ours.

Nous avons voulu tester les outils et moyens dont on nous rabattait les oreilles en disant qu’ils nous aideraient à protéger nos troupeaux en estive.»

Si les éleveurs montent les ovins, bovins, et équins en estive c’est pour qu’ils libèrent les exploitations des vallées, qu’ils profitent de l’herbe fraîche et abondante présente sur les estives. Ce n’est surtout pas pour voir leur troupeau décimé par l’ours.

Il n’en est rien aujourd’hui, je peux l’affirmer, les chiens patous n’ont aucune utilité dans la protection de nos troupeaux. J’ai vu l’ours dévorer tranquillement une brebis non loin de deux chiens patous qui ne cessaient d’aboyer… Ils ont par contre une grande utilité pour attaquer, mordre tout ce qui n’est pas prédateur.

Nous avons sur l’estive un troupeau d’une quarantaine de vaches et leurs veaux. Et bien cette année un des patous n’a rien trouvé de mieux que d’agresser un veau du troupeau malgré les charges des vaches, j’ai dû intervenir moi-même pour libérer le veau sinon je suis sûr qu’il aurait été tué par le chien… c’est sans doute moins dangereux que d’attaquer l’ours. Résultat, le veau a dû être descendu pour être soigné. Par chance, il n’est pas mort mais, ce n’est pas l’ours qui a remboursé les frais de soins.

Beaucoup plus grave, sur mon estive, de nombreux touristes sont venus se plaindre parce qu’eux aussi avaient été agressés par les chiens patous. Un ou deux couples ont également été mordus, je crois qu’ils en ont référé aux autorités compétentes. Imaginez les conséquences si un jour il arrive à un promeneur ce qui est arrivé au veau…

Non seulement l’ours décourage les éleveurs à continuer l’estive dans ces conditions mais, à terme, si nous laissons faire, ce sont les touristes qui ne viendront plus. Est-ce logique par rapport aux activités pastorales et touristiques ….?

Les clôtures électriques, parlons en. Outre le fait qu’elles obligent le pâtre à rassembler tous les soirs le troupeau, c’est dérangeant et contraire aux règles de bonne conduite d’un troupeau. En saison chaude les animaux mangent à la tombée de la nuit. C’est un contre sens de parquer les brebis toujours au même endroit, les risques de piétinement et boiteries sont ainsi multipliés et puis, il y a les brebis retardataires que l’on ne voit pas par temps de brouillard… qui sont une proie facile pour le prédateur.

Et puis, qui peut laisser croire que trois fils de clôture électrique vont dissuader l’ours? J’ai eu le parc construit sur l’estive complètement détruit lorsque l’ours a attaqué mais également une brebis morte parce que prise dans les fils. Où est le bien-être animal que l’on nous demande de respecter en tant qu’éleveur…?

Les bergers itinérants, quelle pantalonnade de laisser croire que leur présence peut dissuader l’ours. Je n’incrimine pas celles et ceux qui choisissent cette activité pour un été, au contraire, car il leur en faut du courage, dans la nuit, sous la pluie pour tenter d’accomplir cette mission. J’ai vu des brebis attaquées non loin des tentes qui leur servaient d’abris...

Les conclusions, pour moi, sont sans appel: en 2007 nous avions 2000 brebis sur l’estive, aujourd’hui, nous arrivons péniblement à 800. En 2007, les brebis tuées par l’ours et les non trouvées représentaient 2% des pertes, aujourd’hui nous sommes à 7%. En 1998, il n’y avait pas de problème sur les estives du Haut Salat, presque pas de perte, j’ai dit à ceux qui ne cessaient de me téléphoner de reprendre les ours pour les ramener à Arbas.

Oui, je m’interroge, on ne pourra continuer longtemps comme cela, nous allons devoir abandonner l’estive, mais, par contre, nous n’assumerons pas les conséquences qui vont en découler.

Source: Témoignage recueilli par l'ASPAP – Juin 2016

- Estive d’Arréou (Seix), un éleveur présent sur l’estive depuis les années 1980

"Je suis monté la première fois j’avais 16 ans et j’ai appris la montagne avec Laurent de Latte, il est mort à présent. Avant l’ours tout se passait mieux, l’entente régnait entre tous, les bêtes redescendaient impeccables. Il n’y avait pas tout ce gaspillage d’argent et de bien meilleurs résultats pour tous: éleveurs, bétail, touristes, tout le monde y trouvait son compte."

Je suis parfaitement d’accord avec ce qu’a exprimé Gérard Pujol notre berger.

Il me revient en mémoire ce que nous avons vécu en 2014 sur l’estive.
Une fin d’après midi de mauvais temps , Gérard constate qu’il venait de subir une attaque. Autour des cadavres il trouve 9 crottes d’ours plus bien sûr des traces de pas. Il y avait ce jour là beaucoup de brouillard, je crois même qu’il pleuvait.

Aussitôt il alerte les autorités compétentes. Avec le mauvais temps, le début de nuit s’annonçant il lui était impossible de rassembler le troupeau et de mesurer l’ampleur des dégâts, il décide de rentrer à la cabane.

Mais à la cabane , comme dans bien d’autres endroits de nos montagnes le téléphone ne passe pas.

Il s’apprêtait à prendre son repas du soir lorsqu’il entend frapper à la porte.

Deux gardes ONCF sont là.

Ils informent Gérard qu’une bergère d’appui, venant de Pau a été dépêchée sur l’estive: «Elle doit arriver d’un instant à l’autre et , nous devons là surveiller durant la nuit», indiquent-ils à Gérard éberlué.Que venait faire une bergère d’appui , en début de nuit , sous la pluie et le brouillard alors que le troupeau effarouché par l’attaque se trouvait..?

Se rendant sur les lieux du sinistre accompagnés de leur chien les Gardes ne peuvent que constater les dégâts. Le chien lui ne trouve rien , normal les odeurs avaient été effacées par la pluie.

Retour à la cabane, la bergère arrive.

En montagne, ceux qui nous connaissent le savent bien, nous avons le sens de l’hospitalité et du respect de la Personne Humaine. Gérard Pujol réagit très bien, il propose à la bergère de rester à la cabane à la fois pour se restaurer et pour dormir. Que serait elle allée faire sous sa tente en pleine nuit sans brebis autour?
Après maintes discussions, autorisation des autorités la décision est prise, la bergère dormira à la cabane d’Arréou ce qui évitera aux deux gardes de monter une garde bien ridicule autour de la tente. Ils peuvent redescendre dans leurs foyers.

Ironie du sort, ridicule de la situation, le lendemain matin que constatent La bergère et Gérard? … une brebis avait été attaquée dans la nuit à moins de 100m de la cabane. De telles situations que nous vivons régulièrement depuis que l’ours est là me révoltent. Combien tout cela coûte-t-il a notre société, n’y a-t-il pas mieux à faire.

Et puis il faudrait pouvoir se défendre, être armé. La bergère d’appui n’avait qu’une trompette soi-disant pour effrayer l’ours. Les gardes de l’ONCFS qui sont montés pour la protéger étaient armés jusqu’aux dents. Pourquoi pas nous? C’est bien la preuve que l’ours est dangereux.

Source: Témoignage recueilli par l'ASPAP – Juin 2016

- Témoignage du berger-éleveur sur l'estive de Pouilh (Couflens-Salau)


On ne présente plus Jean Bénazet de Biert, monument s’il en est dans le monde du Pastoralisme. Onze ans sur les pentes du Mont Rouch, vingt neuf sur celles du Port de Salau à Pouilh. Qui dit mieux? Cette longévité dans ce milieu difficile est due au grand professionnalisme et à l’amour que Jean voue aux ovins et à la montagne. Souhaitant lui aussi s’exprimer dans cette révolte du Couserans, il dresse un tableau bien sombre de l’avenir du pastoralisme et de l’économie montagnarde. A moins que…..

Quelle émotion dans la voix, quelle nostalgie du passé ….

Je n’ose pas penser quand je suis ici à l’enfer qui m’attend là haut, à l’angoisse qui est la mienne durant la saison d’estive.

Depuis que l’ours à été réintroduit notre métier à complètement changé. Il faut en permanence scruter le ciel pour repérer le vol des vautours annonciateurs de catastrophe, il faut être constamment à l’affut du moindre mouvement inhabituel du troupeau rythmé par le bruit des cloches.

Tout cela implique des mouvements incessants sur l’estive, il faut en permanence et par tout temps, monter, descendre, aller, venir. Et dire que le monde du travail, et c’est légitime, s’est toujours battu pour améliorer les conditions de travail…. Nous, nous sommes bien loin de tout cela, au contraire, nous régressons.

Tant que je le peux, je me comporterai ainsi car, pour moi, il est important que les éleveurs qui me confient leurs brebis soient indemnisés.

Il me faut donc retrouver les cadavres, mais il faut être rapide car les vautours ont très vite fait de dépecer une brebis. Malgré ces efforts, on ne retrouve pas toujours les marques de peinture sur la laine ou les boucles d’identification. Dans ce cas là c’est une perte sèche pour l’éleveur mais aussi pour moi car le pourcentage des pertes s’en trouve affecté.

Je ne suis pas berger pour ramasser les cadavres ni achever des brebis qui agonisent et que j’ai vu naître ou que j’ai soigné. Quel malheur!

Jean ne peut évoquer, tellement la colère est forte, rentrée, la catastrophe de l’été 2013 (1) et le fait d’avoir descendu à la cabane sur ses épaules, durant 2 heures, une brebis qui avait 3 pattes cassées.

J’ai cru comprendre que certains avaient vu l’ours et n’avaient pas eu peur. Ce n’est pas mon cas ni celui du stagiaire que j’avais à l’époque, pourtant jeune et sportif. Un matin nous avons repéré sur le versant Espagnol un ours qui montait vers la crête à très grande allure. Les brebis étaient là. En fait, il était sur la trace d’une femelle. Nous avons eu beau gueuler, faire aboyer les chiens, nous avons eu très peur et nous avons dû quitter à grandes enjambées le sentier pour le laisser passer. J’aurais bien aimé voir certains de ceux qui sont pour ce genre de réintroduction dans ces conditions…

Comment voulez vous que dans ce contexte on vive sereinement notre métier, c’est l’enfer, le stress permanent. Malgré ça, c’est ma façon de voir les choses, je suis humain, certains de mes amis me l’ont d’ailleurs reproché , je me comporte normalement avec ceux qui sont chargés de constater tous ces dégâts. On n’est pas du même bord. Ils font leur boulot, je fais le mien. Je les reçois à la cabane, ce sont des hommes comme nous tous. Eux ne sont pas responsables de cette réintroduction, ce sont les Ministères, ceux qui nous gouvernent les vrais responsables.

Depuis que l’ours est là, le comportement des brebis à complètement changé. Il y a des endroits où elles ne veulent plus aller car il y a eu beaucoup d’attaques dans ces secteurs. Les conséquences il ne faut pas avoir fait beaucoup d’études pour les comprendre, l’herbe s’y perd et la broussaille gagne…

Les patous parlons en, je suis contre. Ils font «rambailler» les brebis. Les patous de l’estive voisine sont venus chez nous, le troupeau à été affolé, j’ai dû intervenir pour regrouper toutes les brebis Malgré cela j’ai eu deux attaques et perdu des animaux.

Un soir, alors qu’il y avait des campeurs à proximité d’un troupeau de 200 ou 300 têtes, l’ours n’a pas eu peur de venir a proximité, d’attaquer, de provoquer l’affolement du troupeau et de provoquer des dégâts.

Pour nous cette situation est catastrophique, c’est la fin du pastoralisme.

On aurait dû, moi le premier, les «enfler» au début.

Avant on était tranquille, on refusait des clients, les bêtes descendaient en état.

J’ai gardé près de 3000 brebis au début. Je ne sais pas si j’en aurai la moitié aujourd’hui.

Si nos dirigeants souhaitent que la broussaille envahisse nos montagnes et signe la fin du tourisme continuons ainsi.

Source: Témoignage recueilli par l'ASPAP – Juin 2016