L'éruption explosive du Mont Pinatubo en 1991 a dégagé suffisamment de composés de souffre dans la stratosphère pour réduire de manière substantielle la quantité de lumière solaire qui atteint la surface de la Terre. En réponse à l'augmentation de la réflectivité de la planète, la température de surface s'est refroidie d'environ 0,3°C en 1992, avec un retour à la normale des températures en 1994. Mais que se passerait-t-il si une éruption beaucoup plus importante se produisait?
Il y a environ 74.000 ans, une "super-éruption" s'est produite en Indonésie, l'éruption connue la plus importante de ces 100.000 dernières années. L'éruption de Toba fut énorme, projetant environ 1.000 fois plus de roches que l'éruption du Mont Ste Hélène en 1980. Des poussières emprisonnées à l'intérieur de glaces polaires montrent que les matériaux projetés se sont répandus tout autour de la planète, indiquant ainsi que l'éruption a injecté des matières solides dans la stratosphère, lieu où le climat peut être fortement affecté. Dans quelle mesure et pour combien de temps l'éruption de Toba a-t-elle eu de véritables effets sur le climat et la vie à la surface de la Terre? Ceci a fait l'objet d'intenses débats.
Récemment, un modèle climatique ultra-moderne a été utilisé pour examiner la question. L'étude comprenait des modèles développés par le Centre National pour la Recherche Atmosphérique à Boulder, au Colorado et par l'Institut Goddard des Etudes Spatiales (GISS) de la NASA à New York. Ce sont les mêmes modèles qui ont été utilisés pour les prévisions à court terme des études sur le réchauffement planétaire.
Dans ce cas, ils ont simulé les réponses à une énorme éruption volcanique pour tester comment différents processus pourraient affecter la réaction climatique. En tenant compte de la taille présumée de l'éruption et des processus contenus dans les modèles, le refroidissement planétaire maximum moyen était de 8 à 17°C. C'est un changement énorme, qui représente environ 10 à 20 fois la taille du réchauffement depuis l'ère de l'industrialisation et environ la même ampleur que la transition vers une période glaciaire. Parmi les résultats les plus intéressants, on trouve qu'en réaction à la faible quantité de lumière solaire capable de pénétrer l'épaisse couverture de cendres et de particules dans l'atmosphère, des arbres à larges feuillages persistants et les arbres tropicaux caduques disparaissaient virtuellement pour plusieurs années. Cependant, le climat de la Terre revenait quasiment à la normale au bout d'une décennie dans la majorité des simulations.
Le rafraîchissement de la Terre durait plus longtemps dans les simulations des modèles du GISS, ce dernier comprenant toutefois des réactions chimiques interactives dans l'atmosphère. Ceci a joué un rôle important car la projection de matières volcaniques était si importante dans l'éruption de Toba que des processus chimiques ont été saturés, conduisant à une présence plus longue de particules contenant du souffre dans la stratosphère. Ceci a rallongé le rafraîchissement planétaire extrême si bien que dans ces simulations, la Terre restait au moins 10°C plus fraîche que la normale pendant une décennie entière.
Dans aucune des simulations n'est apparu la formation d'une pellicule de glace car les changements climatiques ne persistaient pas suffisamment longtemps. Ainsi donc, les résultats ne confirment pas la théorie selon laquelle la super éruption aurait entraîné une période glaciaire. Cependant, un "hiver volcanique" se produisant soudainement et durant une ou deux décennies pourrait toujours avoir des conséquences désastreuses pour la vie à la surface, avec des diminutions massives et abruptes de la production alimentaire et l'extinction potentielle de certaines espèces. En réalité, il y a des preuves que de telles extinctions et la présence d'un "goulot d'étranglement génétique" de la population humaine coïncident avec l'éruption. Les résultats suggèrent ainsi qu'une réaction soudaine et grave du climat à la super-éruption de Toba peut avoir balayé une grosse partie de la population humaine mondiale à cette époque.
Auteur: Cécile Matricon
Source: Notre Planète info du 16 novembre 2009