Examinons sur un exemple particulier récent le modus operandi de la multinationale verte : les campagnes menées contre l'usine de retraitement de la Cogema à La Hague.
Greenpeace n'est pas le seul ni le premier intervenant dans ces campagnes. Celles-ci se déroulent d'ailleurs dans un contexte très « chaud » (campagne contre les essais nucléaires français en 1995, rapport Viel sur les leucémies de La Hague etc.). Greenpeace-Cherbourg a même une existence symbolique qui se limite à quelques employés de l'arsenal nucléaire (!). Cependant, Greenpeace lnternational a su investir et contrôler le terrain, créer toute une mobilisation internationale autour des rejets de La Hague, la faire durer plusieurs années sous la forme d'un feuilleton interminable de type Dallas... tout cela sans jamais prouver l'existence d'un véritable problème pour la santé publique ou même pour l'environnement!
En effectuant une revue de presse sur les attaques dans la presse française contre le nucléaire français au cours des années 1990-1997, nous pouvons constater que toute la campagne sur les seuls rejets de La Hague (sans tenir compte des « affaires associées » telles que le rapport Viel ou les attaques par les associations locales du centre de l'ANDRA à Cherbourg) a provoqué une avalanche médiatique sans précédent sur un ton la plupart du temps « catastrophiste » (Sud-Ouest : « L'environnement de La Hague est gravement contaminé », Le Républicain Lorrain : « Nucléaire : La Hague en accusation », Le Méridional : « Nucléaire : alerte à La Hague », etc.). Pour la période entre le 15 février 1996 et le 31 décembre 1997, nous avons relevé un échantillon, largement non exhaustif, de 114 extraits de presse sur le sujet, la plupart émanant de médias nationaux ou à grand tirage. Il serait trop long de donner ici une chronologie complète des événements, nous nous contenterons de quelques étapes.
• Le 15 février 1996, Greenpeace présente à la presse une étude qu'elle a commandée à la CRII-RAD : Contrôles radiologiques dans l'environnement des installations nucléaires de La Hague. Selon cette étude, l'environnement serait contaminé par plusieurs radioéléments, dont l'iode 129 qui pourrait être inhalé par les populations ou contaminer la chaine alimentaire, « c'est la signature des rejets aériens des usines de retraitement de La Hague ». En fait, ce rapport ne produit rien de nouveau ou de « caché par les nucléocrates ». La Cogema parvient sans peine à montrer que ces radioéléments correspondent aux rejets qu'elle est autorisée à effectuer et que leur impact est insignifiant : « La radioactivité naturelle est de 2 500 µSv/an. L'impact de l'usine sur l'environnement est de 10 à 20 µSv/an alors que la norme autorisée pour le public est de 5 000 µSv/an ».
• Le 28 mai 1997, Greenpeace commande un second rapport à la CRII-RAD pour relancer l'affaire de l'iode 129. Cette étude porte plus particulière ment sur la dilution de l'iode 129 provenant du centre de retraitement, dans l'eau de mer. Le rapport est de nouveau alarmiste et affirme que les mesures officielles « montrent que les facteurs de dilution prévus par la Cogema condui sent à sous-estimer d'un facteur 10 à 100 les quantités de radionucléides artificiels présents dans l'eau de mer ». Après enquête, il s'avère que la CRII-RAD a commis dans son rapport une erreur de calcul de débutant... Donc, ici encore, nous avons eu beaucoup de bruit pour rien.
• Le 11 mars 1997, les marées d'équinoxe découvrent la conduite rejetant en mer les effluents liquides de l'usine. Greenpeace effectue des premières mesures de radioactivité et en fait effectuer par la CRII-RAD. Le 8 avril, trente cinq militants de Greenpeace envahissent l'endroit pour effectuer un second contrôle sur la canalisation : « Nous avons relevé 385 µSv par heure. Cela représente une irradiation 3860 fois supérieure à la norme. » C'est ainsi que démarre « l'affaire du tuyau ». Ce nombre de « 3860 » qui correspond aux premières mesures a en effet de quoi paniquer tout auditeur naïf qui ignore que le dépassement d'une norme ne signifie pas nécessairement danger. On notera cependant le décalage entre le ton dramatique de cette déclaration et le déplacement de trente-cinq militants : si Greenpeace pensait réellement qu'il y avait un danger, aurait-elle organisé une telle mise en scène si éloignée du calme que nécessitent des mesures scientifiques ? Néanmoins, une ambiance de catastrophe est transmise par l'audiovisuel, notamment lors de l'émission de FR3, Thalassa, du 18 avril : les représentants de la CRII-RAD sont filmés en train de mesurer la radioactivité. Gros plan sur l'usine avec musique de fin du monde. L'angoisse est mise en scène. Les hommes semblent inquiets, ils sont pressés et silencieux. Dès que les mesures sont prises, l'un d'entre eux déclare : « Allez, on file », comme s'ils se trouvaient près d'une bombe prête à exploser. Invisible, tapi, le danger est là, d'autant plus oppressant qu'on ne le voit pas.
L'enquête sur l'incident donne les résultats suivants.
Sur la réalité de l'incident, la radioactivité détectée est due à la présence de tartre radioactif sur les parois intérieures de la canalisation. Il sera procédé ultérieurement à un détartrage du tuyau. D'après la Cogema : « Le dépôt de tartre est en effet dû à la formation de silicate à la suite de la mise en contact des eaux de pluie avec les effluents, et il y sera remédié en n'envoyant plus, dorénavant, les unes et les autres simultanément sur la conduite ».
Sur la réalité du risque, la radioactivité décroît très rapidement dès que l'on s'éloigne de la conduite (quelques mètres) et la conduite n'est découverte qu'une fois tous les cinq ans, donc pour qu'il y ait un problème sanitaire quelconque faudrait imaginer que quelqu'un vienne s'allonger plusieurs heures d'affilées sur la conduite ce qui parait peu vraisemblable à cette époque de l'année...
• Au cours de la première quinzaine de juin 1997, des hommes-grenouilles de Greenpeace font des plongées et viennent prélever des sédiments et de l'eau au voisinage de la canalisation. Selon Greenpeace, la radioactivité de l'eau se situe à « un niveau 17 millions de fois supérieur à la radioactivité naturelle de l'eau ». Ce que Greenpeace ne précise pas c'est que cette radioactivité est strictement localisée à l'embouchure de la canalisation, à 27 m de profondeur et à 1,7 km de la côte, dans un endroit où les courants sont particulièrement forts pour permettre justement la dispersion de cette radioactivité : ces prélèvements reviennent à juger de la qualité de l'air en mettant son nez à la sortie d'un pot d'échappement de voiture. De ce fait les chiffres donnés par Greenpeace ne révèlent donc rien qui ne soit pas déjà connu ; ils ne sont d'ailleurs contestés par personne, mais leur interprétation par l'organisation écologiste est véritablement frauduleuse. Il est intéressant néanmoins de constater que Greenpeace considère que ces prélèvements devraient être qualifiés de déchets nucléaires, et pourtant les expédie pour analyse à un laboratoire en Allemagne au mépris total de la réglementation sur le transport des déchets nucléaires et sans prendre de précaution pour éviter une contamination éventuel le de tierces personnes... Si ces prélèvements sont dangereux, alors il faudrait considérer que Greenpeace est un empoisonneur, s'ils sont inoffensifs, alors toute cette campa gne catastrophiste serait une fraude. De toute façon, cette attitude montre mieux que la véritable préoccupation de Greenpeace n'est pas la santé publique, d'autant plus qu'il n'est pas rare qu'un tel transport de produits « dangereux » soit effectué de manière tapageuse par la multinationale verte.
• Les opérations de détartrage sont effectuées le 6 septembre 1997. Quelques dizaines de kilogrammes de tartre sont détachés au cours de l'opération et entraînés vers la mer. Cette quantité représente moins d'un millième des 100 t de tartre ramenés à terre au cours de l'opération et ne provoque qu'un marquage radioactif de l'entourage immédiat de la conduite (cette radioactivité reste comparable à celle d'un bloc de granit). Cela n'empêche pas Greenpeace d'y envoyer ses plongeurs et de déclarer : « Ce que nous avons vu s'apparente à un cauchemar nucléaire ». Cette accusation est relayée et amplifiée par les médias et notamment l'émission Thalassa du 27 septembre.
• Le 2 octobre 1997, Greenpeace organise une conférence de presse au sujet des prélèvements que ses plongeurs ont effectués fin septembre. L'organisation écologiste accuse la Cogema de violer le décret du 1er novembre 1980 qui fixe à un maximum de 25 microns de diamètre les particules radioactives rejetées en mer, or les rejets liquides « fourmillent de particules radioactives d'une taille supérieure à 63 microns ». Ici encore, l'enquête met en évidence la mauvaise foi de Greenpeace : les particules radioactives de diamètre inférieur à 25 microns sont rejetées en même temps que des particules inertes de toutes tailles.
Que faut-il retenir de cet inventaire fastidieux dont nous n'avons donné qu'une partie ? Tout d'abord que Greenpeace a repris à son compte le fameux proverbe selon lequel, lorsque l'on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage : toute cette énergie que Greenpeace a déployée n'a mis en évidence aucun problème réel. Cette constatation suffirait-elle à diminuer l'arrogance et l'agressivité de l'organisation écologiste vis-à-vis de l'industriel ? Certes non puisque dès qu'un épi sode s'achève, un autre démarre. L'objectif des écologistes n'est pas ici une recherche de la vérité mais plutôt d'alimenter dans l'esprit du public, à coup de demi-vérités et de véritables mensonges, un sentiment irrationnel de peur et de malaise permanent. De ce point de vue, on peut dire que Greenpeace a parfaitement assimilé les leçons de Joseph Goebbels en matière de manipulation d'informations.
Par ailleurs, et ceci accompagne cela, Greenpeace n'aurait jamais pu déclencher une opération qui a tenu l'Europe entière en haleine pendant plus de deux ans autour d'un ensemble « d'événements » qui se réduisent littéralement à rien, sans une complaisance totale de l'ensemble de l'audiovisuel français.