Loups de la forêt de Blois 1647

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Qui pourrait croire aujourd’hui qu’à Blois, il y avait des loups de Saint Nicolas aux Grouets en passant par Cabochon (Paroisse Saint Pierre) et la forêt. Et pourtant, l’histoire nous montre que ce qui était encore un vaste espace rural en 1953 était aussi, avec la forêt de Blois jusqu’à Coulanges, un espace où régnait le loup.
C’était aussi le cas en 1870 (guerre avec la Prusse) lorsque les paysans se cachaient avec leur bétail (Témoignage de mon arrière-grand-mère dans les années 1950). Le Professeur Moriceau a trouvé d’autres preuves de sa présence pas toujours sympathiques.
Louis Dollo, le 15 septembre 2016

- Le professeur Moriceau nous précise

"La recherche paie toujours: il suffit d'y mettre le prix. En faisant le tour de la forêt de Blois, la plupart des communes semblent ne plus avoir d'état civil antérieur à 1692. Toutefois les trois exceptions qui en conservent viennent satisfaire le chercheur. Coulanges et Chouzy avaient déjà fourni quelques traces de victimes de loups prédateurs entre 1646 et 1652. Il restait une seule paroisse à conserver des actes de sépulture de la même époque, et que je n'avais pas examinée: Molineuf. Effectivement en y regardant de près on y découvre deux nouveaux actes qui s'ajoutent au corpus général des victimes de loups prédateurs (c'est encore possible!) et qui circonscrivent la zone de prédation de ces loups du Blésois dont nous avons publié hier le recensement notarié des victimes pour Saint-Nicolas de Blois en 1647. Voici donc ces deux victimes qui avaient respectivement 10 et 11 ans selon leurs actes de baptême conservés dans la même paroisse de Molineuf: Le 23e jour de mai 1647 a été inhumée au cimetière Charlotte Mesnager, fille de Sulpice Mesnager, laquelle a été étranglée par un loup le 22e jour du susdit mois. Le 28e jour de mai 1647, Mathieu Mesnager, fils de défunt Louis Mesnager, a été étranglé par un loup et le même jour a été inhumé au cimetière."

- Un notaire recensant les victimes de loups: Me Leon notaire à Blois en 1647 (Arch. dép. Loir-et-Cher, 3E9/80)

Du XXe juin 1647
Etat des personnes que les loups ont mangées dans la paroisse de Saint-Nicolas-lès-Blois (fait copie).
  • Premièrement, le 15e jour d’avril 1647, la fille de Michel Oudin, âgée de 15 ans, fut grandement blessée par un loup et en danger de mort.
  • Plus, il y a un an ou environ, que la fille de Silvain Labbé demeurant en la Closerie de Belle Vue, âgée de 2 ans, fut mangée par un loup.
  • Plus le 29 novembre dernier, une autre fille dudit Labbé, âgée de 14 ans, a été mangée par un loup.
  • Plus le 25 mai dernier, la fille de Hadon, demeurant proche les Capucins, âgée de 14 ans, fut entièrement mangée par les loups, sans qu’il en restât rien.
  • Plus le 15e mai dernier, le fils de Jehan Rousseau, demeurant aux Groix, âgé de 12 ans, fut emporté par un loup qui l’eût mangé sans le prompt secours qui arriva.
  • Plus le fils de Michel Plocquin, âgé de 3 ans, a été mangé des loups entièrement, sans qu’il en soit rien resté que quelques os des côtes.
  • Plus le fils de Jehan Bordier, des Groix (les Grouets), âgé de 9 ans, a été mangé d’un loup la première semaine du carême dernier.
  • Plus le fils d’André Jouard, le 15e mai dernier, âgé de 6 ans, fut pris à la gorge par un loup dans les Groix (les Grouets) qui l’eut mangé n’eût été le prompt secours.
  • Plus le fils de la veuve Tachereau, âgé de 9 ans, a été emporté et mangé par les loups.
  • Plus le fils d’un savetier des Groix ( les Grouets) nommé Louis, âgé de [blanc], fut pris à la porte par un loup le 1er jour de ce mois [juin 1647] qui l’emportait et l’eut mangé n’eût été le prompt secours.
  • Plus le 10e de ce mois, le fils de Martin Lévesque, âgé de 2 ans, fut pris par un loup sur le seuil de la porte, en sa présence, emporté et mangé sans en avoir rien trouvé.
  • Plus la femme de Louis Marchais, âgée de 40 ans, cueillant des herbes, fut attaquée par un loup qui sauta sur elle et la prit à la gorge pour l’étrangler et n’eut été sa force et grande résistance, il la eût mangée.
  • Aujourd’hui sont comparus par devant moi, notaire et tabellion royal à Blois soussigné vénérable et discrète personne Messire François Faverel, prêtre curé, recteur de la paroisse Saint-Nicolas-lès-Blois, Pierre Morin, marguillier, Nicolas Le Maindre, valet de chambre de la feue reine-mère, Louis Larpenteur, Marin Massuau, marchand, Michel Boulanger, exempt de la maréchaussée et Pierre Imbert, maître boulanger, tous habitants de ladite paroisse,
  • Lesquels ont dit, déclaré et certifié à tous qu’il appartiendra que le contenu en l’état ci-dessus écrit est véritable et que les loups règnent grandement et font dégât en leur paroisse, en sont beaucoup tourmentés et particulièrement leurs enfants qui n’osent sortir, à raison de quoi fut fait procession autour de ladite paroisse par ledit sieur curé avec bon nombre d’habitants le premier férié de la Pentecôte dernière, ce qu’ils affirment être véritable,

Dont a été fait et passé au banc de la marelle dudit Saint-Nicolas le jour de la fête de Dieu 20e jour de juin 1647. Les non-soussignés ont déclaré ne savoir signer. Signé: Larpenteur – Pierre Morin – F. Faverel, curé de Saint-Nicolas – Marin Massuau – Imbert – Jacques Le Royer – M Boullengier – J. Locquet – Nicolas Lemaindre, valet de chambre de feue le reine mère – Leons (notaire).

- Quand le curé est d'accord avec le notaire

Une confrontation exceptionnelle en 1647. Alerté par l'intérêt du recensement de victimes de loups auquel s'était livré Me Léons, notaire à Blois, je suis allé regardé les registres paroissiaux de Saint-Nicolas-lès-Blois. Les actes de sépulture sont bien conservés pour 1647 mais, comme souvent, ils mentionnent presqu'exclusivement les adultes. Cependant il ne faut jamais se résigner, comme disait Lucien Febvre! Au détour du décès du "bonhomme" Lévêque, le recteur de la paroisse indique, comme si de rien n'était, que "le même jour les loups mangèrent son enfant sur le seuil de sa porte". On retrouve bien là l'indication du notaire qu'on a déjà présentée: "Plus le 10e de ce mois, le fils de Martin Lévêque, âgé de 2 ans, fut pris par un loup sur le seuil de la porte, en sa présence, emporté et mangé sans en avoir rien trouvé". Il est exceptionnel de disposer de ce type de mention qui fait figure d'acte de disparition puisqu'aucun reste du cadavre n'a été retrouvée.