Des ruches dévastées, des mouflons décimés,
des oursons baptisés, un agneau égorgé, la France endeuillée
par la mort de lours Cannelle, des brebis égorgées...
lactualité du loup et de lours est riche en petits rebondissements
quotidiens qui font la joie des dernières parties de JT. Depuis la
réapparition du loup dans les Alpes et la décision de réintroduire
lours dans les Pyrénées dans les années 1990,
le débat fait rage et transcende tous les clivages politiques.
Les « défenseurs de la nature » reprochent aux opposants
des loups et des ours une peur ancestrale et irrationnelle de ces animaux.
Les opposants à la réintroduction, eux, considèrent
quil sagit dune vision fantasmée de la nature,
inconsciente des réalités de terrain et teintée de
mépris pour le monde rural. La France nest pas la seule à
être touchée par ces questions. Un même débat
sur le « concept ours brun » [1] a lieu en Suisse, où
le plantigrade est réapparu, se promenant dans le Parc national des
Grisons et dévorant au passage plusieurs animaux délevage.
Outre cette opposition entre villes et campagnes, le loup et lours
ravivent plusieurs points douloureux : la crise du pastoralisme, le désarroi
des éleveurs de montagne, et surtout la gestion du problème
par lÉtat... qui de fait, a été et reste souvent
un peu chaotique.
Le retour du loup
Cest le 5 novembre 1992, dans le vallon de Mollières, au
cur du Parc du Mercantour, que deux loups étaient revus pour
la première fois en France depuis les années 1930. Depuis,
les loups ont étendu leur territoire à huit départements,
suscitant une crise dans tout le massif alpin. En 2002, lAssemblée
nationale créait une commission denquête sur le loup
malgré « les sourires et les critiques qui ont pu
accompagner cette initiative, alors que dautres questions pouvaient
paraître plus cruciales » [2].
Lorsque le loup fait sa réapparition en 1992, il a donc disparu
du pays depuis plus dun demi-siècle une disparition
due à lhumanisation du territoire, via lélevage
et la déforestation, mais surtout à une politique délibérée
déradication : la destruction méthodique, entre 1872
et 1890, avec usage de poison, avait porté un coup fatal à
lespèce. Au début du XIXe siècle, il y avait
5000 loups en France ; ils ne sont plus que 1000 vers 1890. En 1930, seuls
subsistent une ou deux dizaines d« individus aux murs
discrètes » [2] .
Lâchers clandestins
Une première controverse sinstalle en 1992 : sagit-il
dun retour naturel, ou bien le loup a-t-il été réintroduit
? Et si oui, comment puisquil ny a eu aucune décision
officielle sur la question ? Après son enquête, la commission
de lAssemblée nationale penche pour une « non contradiction
entre les deux thèses » : les loups arrivés en France
seraient bien venus dItalie, mais parallèlement, il serait
« probable » que des lâchers clandestins de loups aient
eu lieu lâchers qui pourraient être « le fait
de particuliers passionnés de la nature et particulièrement
irresponsables » [3].
La rumeur de lâchers clandestins de loups commence au début
des années 1980. La réintroduction despèces
sauvages a alors le vent en poupe. Lorsque le lynx est officiellement
réintroduit en 1983 dans les Vosges, des photos (lynx exotique,
animal bagué, etc...) [2] prouvent une réintroduction parallèle
illégale. Une enquête réalisée en 1990 par
la Direction de la nature et des paysages (DNP) évoque quant à
elle des lâchers clandestins de loups, sans pourtant sen émouvoir
ce qui fait bondir la commission denquête : «
Il est pour le moins surprenant que le ministère de lEnvironnement
ait officiellement recensé des lâchers clandestins de loups
(et dautres espèces), opérations par définition
illégales, sans sinquiéter outre mesure des auteurs
et des conditions de ces pratiques illégales. Peut-être faut-il
y voir un signe de lanormale proximité entre la toute jeune
administration de lEnvironnement et les milieux associatifs écologistes
dont elle est en partie issue. » [2] Voilà qui est dit.
De fait, les amis du loup semblent bien organisés. Personne nen
parle, mais « on sait » que des lâchers clandestins
ont lieu. Lorsquun loup est tué dans les Hautes-Alpes en
1992, le directeur de la DNP explique ainsi : « Un fugueur peut-être,
mais il existe aujourdhui une catégorie de nostalgiques qui
font de la provocation et lâchent clandestinement des animaux sauvages.
» [4] Un défenseur du loup semble également bien informé
[5] : « Ça et là en Europe, des loups captifs auraient
déjà été discrètement relâchés,
dans quelques sites tenus secrets... Ces tentatives marginales suffiront-elles
à rendre à Canis Lupis la place qui était la sienne
? » Et un autre : « Ceux qui rêvent de la réintroduction
du loup en France risquent fort de ne pas être entendus. [...] Alors,
faudra-t-il réintroduire les loups subrepticement ? En réalité
quelques tentatives ont déjà eu lieu en France, à
ma connaissance du moins, elles nont pas connu le succès
» [6]. Lensemble de ces faits ne prouve pas que le couple
de loups du Mercantour provienne dun lâcher clandestin. Mais
elles témoignent tacitement dune réalité :
le lâcher de prédateurs, par les milieux écologistes,
dans les années 1980, « et qui a conduit avec certitude à
lâcher des ours et des lynx » [2]... Ce dont le ministère
de lEnvironnement se garde bien de parler. En 1996, dans un document
sur le loup [2], il soutient finalement la seule thèse du retour
naturel névoquant pas même hypothétiquement
les lâchers clandestins.
Le loup : une fausse surprise
Deux loups sont donc aperçus pour la première fois dans
les Alpes en novembre 1992. Or, la réapparition du loup en France
nest rendue publique que six mois plus tard par voie de presse (un
article dans Terre Sauvage davril 1993) un laps de temps
« officiellement utilisé pour sassurer quil sagissait
bien de loups et non de chiens divagants. » [2] Pourtant, larrivée
du loup dans le Parc du Mercantour nest alors une surprise ni pour
le parc national, ni pour la Direction de la nature et des paysages. La
DNP indiquait dès 1991 que « les populations de loup italiennes
se développaient suffisamment pour pénétrer dans
les prochaines années en France » [2]. Doù le
joli titre de paragraphe du rapport de la commission lAssemblée
nationale : « La thèse officielle : la surprise ; la réalité
: le loup était attendu » [2].
Selon certains, le ministère de lEnvironnement naurait
pas voulu ébruiter cette nouvelle, car le loup nétait
alors pas inscrit sur la liste des espèces protégées.
Au niveau international, le loup est protégé par la Convention
de Berne (1979). Mais la mise en uvre effective de cette convention
dans le droit communautaire date de la directive dite « Habitats
» sur la conservation de la faune sauvage. Or cette directive nétait
pas encore entrée en vigueur lors de la réapparition du
loup, en 1992. « LÉtat naurait eu aucun recours
juridique contre lélimination dun loup par un particulier.
Ceci explique très certainement le secret gardé autour de
la réapparition du loup jusquà la publication de larrêté
» [2] .
La conclusion du rapport est sans appel :
« On peut très
clairement parler de chape de plomb sur ce dossier, tant de
la part de la DNP que du Parc. Encore plus scandaleux est le fait que
la ministre de lépoque, Mme Ségolène Royal,
nait pas même été mise au courant de cet événement
majeur, selon les propos quelle a elle-même tenus devant la
commission ! Où sont la démocratie et le bon fonctionnement
de lÉtat quand une décision dune telle importance,
qui a profondément bouleversé la vie de plusieurs départements
français, est le fait dune petite technostructure qui ne
rend de comptes à personne ? [...] Du jour au lendemain, on a dit
aux éleveurs : Le loup est là, il faut vous adapter
! Il nest pas étonnant que la majorité des éleveurs
ait cru à un complot écologiste les mettant devant le fait
accompli » [2]. Ce refus de transparence a ainsi installé
une méfiance durable des éleveurs vis-à-vis de lÉtat.
Le rapport de lAssemblée comporte un chapitre intitulé
« Le loup, jusquoù ? » qui souvre ainsi
: « Il nest fait état nulle part dune réflexion
au sein du ministère de lEnvironnement sur lextension
future probable du loup sur le territoire national. » [2] De fait,
alors même que le loup espagnol devrait arriver dans les Pyrénées
françaises, chacun des différents gouvernements semble un
peu naviguer à vue, tout en étant globalement favorable
à la réintroduction despèces sauvages : «
La commission a constaté que le sentiment, partagé par les
éleveurs et les élus locaux, selon lequel les gouvernements
ont jusquà présent organisé la paralysie de
laction publique, est justifié. Or, on a le sentiment, notamment
chez les éleveurs que le loup nest pas négociable
et que la priorité politique consiste à favoriser son développement
tout en essayant de limiter les dégâts qui en résultent.
» [2] La convention de Berne est pourtant claire : elle prévoit
(art. 11-2A) « lobligation de consulter les populations concernées
en procédant à une étude dimpact en cas dintroduction
de nouvelles espèces animales ». La protection de ces espèces
sauvages nest donc pas censée se faire en « oubliant
» de recueillir lavis des populations locales.
Lours du Béarn, un modèle ?
Dans le dossier Ours, les mêmes problématiques ont cours.
Autrefois présent sur lensemble du massif pyrénéen,
lours brun a petit à petit disparu des Pyrénées.
La seule population autochtone dours est située dans le Béarn.
Ces ours ont été, au début des années 1990,
à lorigine dune très grave crise dont le règlement
a abouti à la mise en place dun outil original de gestion
du patrimoine naturel par les populations locales. Après la mise
en place du « plan Ours » en 1984 et face à la baisse
continue de la population dours bruns des Pyrénées,
le ministre de lÉcologie, Brice Lalonde, prend en 1990 un
arrêté délimitant des réserves à ours.
Ces « réserves Lalonde » vont déclencher «
une véritable guerre civile dans le Haut-Béarn » [2].
Pour sortir de la crise, le nouveau ministre de lEnvironnement,
Michel Barnier, décide dabroger les réserves Lalonde,
contre lavis de son administration, et prend le parti de confier
aux Béarnais la tâche de rédiger une charte de protection
de lours, signée en 1994. Cette charte confie le pouvoir
de décision à un syndicat mixte, composé de communes,
du conseil général et du conseil régional dAquitaine,
et qui ne peut être décisionnaire quà condition
davoir recueilli lavis formel dune grande assemblée.
LInstitution patrimoniale du Haut-Béarn (IPHB) a ainsi mis
sur pied une assemblée constituée de trois collèges
: celui des élus, celui des « personnalités qualifiées
» (administrations publiques, représentants du Parc national,
du conseil général, du conseil régional, scientifiques
du centre ovin), et le collège des valléens. Ce dernier
comprend des bergers, des chasseurs, des associations de protection de
la nature, des exploitants forestiers, des représentants des chambres
consulaires autant dire ceux à qui on naccorde dordinaire
pas la parole. Le résultat sest avéré positif
: « Plusieurs actions ont été menées en faveur
de lours : plantation darbres fruitiers, complément
de nourriture naturelle fournie avant lhiver, réglementation
de laccès aux estives, mise en place de systèmes de
protection des troupeaux pour limiter, si ce nest éviter,
les conflits avec les bergers ».
Les premiers ours slovènes
À la suite du lobbying dassociations écologistes et
de laccord de quatre communes de Haute-Garonne, des ours slovènes
sont introduits en 1996 et 1997 pour renflouer la population dours
des Pyrénées. Cest dans le cadre de la charte signée
en 1993 entre le ministère de lEnvironnement et lAdet
(Association de développement économique et touristique)
regroupant quatre communes de la vallée de la Garonne (Melles,
Fos, Boutx, Arlos), que le lâcher de trois ours slovènes
adultes est effectué à partir de 1996. Or, en dehors de
lAdet et de lassociation Artus, à lorigine du
projet, les consultations ont été réduites
alors même quil était évident que les ours relâchés
se déplaceraient, et ne se cantonneraient donc pas aux territoires
des communes ayant accepté la présence du prédateur.
Quatre communes ont ainsi imposé à lensemble du massif
pyrénéen la présence dours : un « déni
de démocratie » [2] ?
Le bilan de cette réintroduction serait, selon le rapport de lAssemblée,
« globalement très négatif. Certes, biologiquement,
les ours slovènes se sont plutôt bien acclimatés [...]
Mais politiquement et sociologiquement, léchec est patent.
» [2] À la question de savoir si elle relâcherait aujourdhui
des ours en Pyrénées centrales, Mme Lepage, ministre de
lEnvironnement en 1996 a répondu à la commission :
« Non, je pense que je ne le referais pas, sauf à encourager
ceux qui, localement, auraient envie de le faire. Je pense que cela doit
être géré au niveau de la région et du département
et non pas imposé par lÉtat. » [2]
Les propos de la ministre ont été oubliés : Nelly
Olin, ministre de lÉcologie, a tranché en faveur de
la réintroduction dours avant le début de lété
2006, au nom de la survie de lespèce dun point
de vue biologique, la population actuelle dours des Pyrénées
nétait pas viable (une quinzaine dindividus avec une
forte consanguinité). Ce plan « Ours 2006 » a été
largement amendé par rapport à celui de son prédécesseur
au ministère, Serge Lepeltier lequel prévoyait dimporter
trois fois plus de plantigrades. Actuellement, ce sont cinq ours slovènes,
quatre femelles et un mâle, qui doivent être expédiés
dans les Pyrénées françaises. La première
ourse réintroduite en France sappellera Palouma («
colombe » en occitan) : nom choisi entre autres pour sa «
signification pacifique » [7]... Mais déjà lopposition
entre les pro-ours et les anti-ours est tout aussi vive quau premier
jour.
Lours, le loup, la mouche, le chien errant
Ours ou loups, les principales victimes de la présence du prédateur
sont toujours les éleveurs : brebis, agneaux, poulains, ruches,
etc. LÉtat a mis en place un système dindemnisation
mais... celui-ci ne prend en compte que « les animaux disparus
et consommés dont on ne retrouve pas les carcasses » et pas « les effets indirects de la présence de lours, cest-à-dire
excitation et agitation des animaux entraînant la perte physique
danimaux effrayés par lours par accident, constat de
mortalité ou pas. »[2]
Argument de mauvaise foi ?
Lours ne serait responsable que d1% des brebis mortes chaque
année. Le froid et les chiens errants causeraient plus de dégâts
que lours et les pertes dues à lours sont, elles,
indemnisées... « Cest un animal qui provoque relativement
peu de dégâts », affirme François Arcangeli,
maire de la commune dArbas, où le premier des ours capturés
en Slovénie sera relâché... avant de décocher
un coup de patte au loup : « Le loup peut décimer tout un
troupeau, ce nest pas le cas de lours. Sans oublier que la
mouche qui pond dans les plaies des bêtes blessées reste
le plus grand prédateur du mouton » [8]. Lavis commun
est tout à fait contraire : lours serait bien moins sympathique,
car beaucoup plus dangereux, que le loup. En Suisse, le canton du Valais
rejette la classification des ours en diverses catégories allant
de « lours sans problème à lours à
risques, ce dernier étant le seul à pouvoir être abattu
» [1]. Sous-entendu : tous les ours sont dangereux.
Un chroniqueur du Monde rit jaune : « On le voit, mais filmé
au sortir de son hibernation, il y a un an, se déplacer de droite
de gauche, un peu lourdaud. Rien ne laisse supposer que cet animal court
très vite et très longtemps, grimpe jusquà
la cime des arbres pour y poursuivre qui sy réfugierait.
[...] Et pourtant, certains défendent la réintroduction
de lours. Les mêmes défendent le loup qui, lui, au
moins, ne présente aucun danger pour lhomme. [...] Le loup
vit près de lhomme en Amérique, en Italie, en Espagne,
en Suisse, en se tenant à bonne distance. Il sen approche
même quand il se sent en confiance, sans jamais attaquer. Pas lours
qui est un tueur. » [9] De fait, il est certain que le danger du
loup pour lhomme est quasi-nul. Ses attaques sont rarissimes. Avant
le XXe siècle en Europe, cétaient surtout les enfants
gardant les troupeaux qui étaient des cibles potentielles des loups.
Laurent Garde, chercheur au Cerpam (Centre détudes et de
réalisations pastorales Alpes Méditérannée)
apporte une nuance : « On fait comme si le loup était un
animal de haute montagne restant dans les alpages. On en fait une grosse
marmotte qui, de temps en temps, mangerait une brebis. [...] Il ne sagit
pas ici de « crier au loup », ni de créer un sentiment
de panique mais bien de faire preuve de lucidité. » [2] Mais
au cours des cinquante dernières années, on na recensé
que trois attaques directes contre des enfants en Espagne, et une dizaine
en Russie, dont la moitié étaient le fait de loups enragés.
On peut donc affirmer que comparé à dautres carnassiers
(dingo, ours, tigre...), le loup est moins dangereux.
Le 1er avril, deux cents personnes manifestaient, répondant à
lappel de lAssociation pour la sauvegarde du patrimoine Ariège-Pyrénées
(Aspap), sur le thème : « Un ours en liberté, des
vies en danger ». La manifestation (qui avait lieu à Arbas,
247 habitants, lune des quatre communes volontaires pour accueillir
les cinq ours) a rapidement dégénéré : casse,
jets de bouteilles, tags point culminant des incidents, la statue
de bois représentant un ours a été brûlée.
Le maire François Arcangeli, a démissionné du PS,
« scandalisé que des élus socialistes aient participé
à ces exactions » [8].
Un ours ou 3 ronds-points ?
« Soyons écologiquement incorrect. On préfère,
pour le coup, la brebis, un animal peu attachant, tant il est difficile
de communiquer avec lui cest très con une brebis ,
à lours, car lon sait que demain, ce sera un habitant
du coin, ou un promeneur en vacances, qui sera tué ou blessé
gravement. » [9] François Arcangeli rétorque : «
À en croire les opposants, les ours slovènes vont sinstaller
dans nos jardins, dévorer les enfants se rendant à lécole
et les randonneurs. En Slovénie, avec 600 ours vivant dan un pays
de 2000 km&sup [2] ; [la chaîne pyrénéenne fait
55000 km²], on ne dénombre que quelques collisions avec des
véhicules, comme avec les cervidés chez nous » [8].
Manque de chance ? À quelques jours dintervalle, un bélier
et un agneau sont retrouvés morts à Aston (Ariège),
tués par un ours (« vraisemblablement Boutxy », selon
léquipe technique Ours de lOffice national de la chasse)
dans un parc en bordure de forêt, à quelques dizaines de
mètres du village...
La solution de bon sens consiste déjà à prendre des
mesures préventives. Un berger affirme ainsi : « Aujourdhui,
on lâche sur les estives dénormes troupeaux de 2000
à 3000 brebis sans le moindre berger. Cest comme si on ouvrait
la porte du frigo en grand sous le nez de lours » [8]. Les
patous (chiens de bergers) et les bergers font chuter les taux de pertes
dus à lours et, gain supplémentaire, aux chiens
errants. Or lÉtat finance ces emplois et ces chiens.
En outre, lours (comme le loup) représente bien sûr
une manne touristique indéniable : on imagine déjà
les peluches, cartes postales, porte-clefs à leffigie du
noble animal remplir les poches des commerçants locaux. «
Les ours ne vont pas manger les touristes, ils vont les faire venir »
[8], résume un éleveur pro-plantigrade. Quant au coût
de lours pour la collectivité, il est estimé à
2 millions deuros (les ours eux-mêmes étant gratuits
: cadeau de la Slovénie...), soit « léquivalent
de trois ronds-points sur une nationale » [8], dixit Alain Reynes,
de lassociation Pays de lours-Adet. Et les sondages dopinion
ne disent-ils pas les Français très largement favorables
à la réintroduction danimaux sauvages ? Mais là
encore, tout est question de distance : spontanément, nimporte
qui dira préférer voir un ours que trois ronds-points. À
dix centimètres dun ours en pleine forêt, les sondés
répondraient peut-être autre chose.
Source : Le
Tigre, hebdo, n°7, 28 avril 2006
NOTES
[1] « Lours brun fait débat en Suisse », AP,
14 avril 2006.
[2] Commission denquête de lAssemblée nationale
sur « la présence du loup en France et lexercice du
pastoralisme dans les zones de montagne », sous la direction de
Christian Estrosi, 2002-2003. Rapport disponible sur www.assemblee-nationale.fr
[3] Pour lâcher des loups, encore faut-il en détenir...
Environ 500 loups en France en captivité, détenus à
trois titres : parcs zoologiques, dresseurs animaliers, et une dizaine
d« éleveurs à titre privé ».
[4] Gilbert Simon, directeur de la DNP, Libération, 29 décembre
1992.
[5] Jacques Baillon, Nos derniers loups, les loups autrefois en Orléanais,
Association des Naturalistes Orléanais, 503 p., Orléans,
1991.
[6] Gérard Ménatory, La vie des loups, Stock, 1993.
[7] « La première ourse slovène relâchée
en France sappellera Palouma », AP, 20 avril 2006.
[8] Sud-Ouest, 16 avril 2006.
[9] Alain Lompech, « Lours, lagneau, le loup et lhomme
», Le Monde (12 avril 2006).
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