Le gypaète barbu dans les Alpes françaises (bilan 2008)

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Le gypaète barbu a été réintroduit dans les Alpes françaises contrairement aux Pyrénées où il n'a pas cessé d'être présent. Il fait l'objet d'une attention toute particulière notamment par les associations écologistes tel que la LPO.

- Naissance d'un premier gypaète barbu dans les Alpes du Sud

Récompensant les efforts menés depuis plus de 20 ans par les diverses associations et collectivités impliquées dans le cadre d'un vaste programme de réintroduction, le premier gypaète, fruit d'une reproduction spontanée dans la région des Alpes du Sud, a pris son envol le 16 août dernier. Installé dans la Haute Ubaye, à proximité du Parc National du Mercantour, le couple reproducteur avait en effet donné naissance à un unique oeuf en février de cette année.

Reconnu comme le plus grand vautour européen avec ses 2,80 mètres d'envergure, le gypaète barbu n'en reste pas moins une espèce extrêmement rare et menacée. Malgré son statut protégé, il continue à être la cible de tirs de chasse illégaux comme l'illustre l'incident survenu en janvier dernier dans les Pyrénées-Atlantiques. Par ailleurs, les nuisances liées à la cohabitation avec l'homme sont également des facteurs handicapants qui freinent sa réintroduction. C'est le cas notamment des survols d'avions et d'hélicoptères, civils comme militaires, dont les passages à proximité des nids perturbent la reproduction ainsi que la couvaison des petits. Pour éviter ceci, lorsqu'une nidification est détectée, une protection du site est mise en oeuvre, comme dans le cas présent, à St Paul sur Ubaye, où les éleveurs, les naturalistes locaux, l'armée, les gendarmes et de nombreux autres partenaires ont contribué à la protection/surveillance du lieu

Selon le Parc National du Mercantour, cette naissance représenterait la première reproduction réussie en milieu naturel dans les Alpes du Sud du gypaète barbu "depuis plus d'un siècle". Habituellement, les petits naissent en captivité puis sont réintroduits dans des sites de lâcher et nourris jusqu'à leur envol.

De bon augure, cet événement marque un réel pas en avant vers le rétablissement "d'une population naturelle, viable et autonome dans les Alpes" pour celui que l'on surnomme le "casseur d'os" (1), dont les talents d'équarrisseur naturel constituent des atouts non négligeables.

Auteur: Cécile Cassier

1- Se nourrissant d'animaux morts, le gypaète barbu se distingue des autres rapaces par son aptitude à digérer les os des carcasses dont il se repaît, notamment grâce à un suc gastrique particulièrement acide. Son surnom de "casseurs d'os" lui vient plus précisément de sa technique destinée à briser les os trop gros en les lâchant depuis les airs sur des pierriers.

Source: Univers Nature du 19 septembre 2008

- Bilan démographique après 20 ans de réintroduction du gypaète barbu

Au début du 20e siècle, le gypaète barbu, majestueux vautour, avait complètement disparu des massifs alpins. Lancé en 1978, un projet international de réintroduction vu le jour et les premiers lâchers de jeunes élevés en captivité démarraient en 1986. Jusqu'en 2005, au total, 137 individus avaient été réintroduits et on observait des reproductions dès 1997. Actuellement, dans les Alpes, près d'une dizaine de couples nicheurs sont établis.

Cette réintroduction fut donc couronnée de succès mais jusqu'à ce jour aucune étude n'avait permis d'évaluer précisément la dynamique des populations et de statuer, données scientifiques à l'appui, sur la poursuite ou l'arrêt des réintroductions. Il était établi de façon empirique et d'après un simple modèle linéaire que, pour assurer le maintien des populations, les lâchers devaient se poursuivre tant que le nombre de jeunes naissant dans la nature n'avait pas atteint le nombre d'individus réintroduits chaque année, soit 6 par an en moyenne. Or, d'après une équipe de scientifiques, qui vient de réaliser une étude publiée dans le Journal of Applied Ecology, les décisions prises par les gestionnaires pouvaient manquer d'objectivé, se focalisant sur les réintroductions et perdant parfois de vue le principal objectif qui reste l'établissement d'une population viable et autonome dans la nature. Ainsi les chercheurs ont-ils réévalué les données démographiques en y intégrant plus de critères, comme les taux de mortalité par exemple, et ont tiré quelques conclusions utiles aux programmes de gestion. Car, si les réintroductions s'avèrent parfois nécessaires pour rétablir une population éteinte, il n'est tout de même pas insensé de vouloir les considérer sur des bases scientifiques, vu les moyens financiers alloués à ces opérations.

Dans le cas du gypaète barbu en l'occurrence, chaque jeune réintroduit aura couté 70 000 euros jusqu'au moment de son lâcher, ce qui élèverait l'ensemble du programme à une estimation de plus de 9 millions d'euros. En imaginant que l'enveloppe des financements publics et privés n'est peut-être pas extensible à outrance, on espère toujours que les moyens de la conservation sont distribués là où ils sont nécessaires et cohérents.

Ici, les recherches ont montré que les populations des Alpes sont viables depuis 2006, date à laquelle les lâchers ont été suspendus, les naissances dépassant une mortalité qui s'élève à 4 individus par an. Michael Schaub qui dirigea l'étude, recommande donc "d'un point de vue purement démographique, d'arrêter les lâchers et de réorienter les programmes sur d'autres secteurs où l'espèce est actuellement éteinte". Dans les Alpes, les réintroductions futures peuvent rester une option, notamment si un nouveau déclin est observé. Car, si la population est aujourd'hui capable de se maintenir seule, la marge reste néanmoins faible. Les gypaètes, bien qu'intégralement protégés, continuent de courir des risques. Des cas d'empoissonnement sont possibles par les appâts toxiques déposés clandestinement pour lutter contre le loup (1), des cas de tirs sont également recensés (2), ou encore, d'après l'Institut ornithologique suisse, cet oiseau d'envergure pourrait être menacé par les projets de parcs éoliens sur les cols alpins. D'après les données, il suffirait de deux morts de plus par an pour que s'amorce la régression.
Les observateurs vont devoir rester très vigilants.

Auteur: Elisabeth Leciak
Source: Univers Nature du 28 février 2009

- Notes de Louis Dollo

(1) En l'absence de moyens efficaces et sérieux fournis aux éleveurs pour protéger leurs troupeaux contre les grands prédateurs, ours et loups, la technique de l'appât empoisonné risque de se développer comme ce fut le cas dès l'interdiction de la chasse de ces prédateurs afin des éliminer. Une preuve que la cohabitation entre l'homme et les grands prédateurs n'a jamais été possible.

(2) Il s'agit des Pyrénées où des gypaètes ont pu être confondu avec des vautours qui, contrairement aux affirmations environnementalistes, attaquent ovins et bovins. Afin de défendre leurs troupeaux les éleveurs / bergers n'ont pas d'autres solutions que de tirer contre les rapaces.