En 1980, des passionnés réintroduisaient ces grands
rapaces entre l'Aveyron et la Lozère.
En cette fin
d'après- midi de juillet, une trentaine de vautours tournent
au- dessus des falaises des Grands Causses, profitant d'une colonne
d'air chaud ascendant. Dans les gorges sauvages du sud de la France,
à la frontière de la Lozère et de l'Aveyron,
cela semble parfaitement naturel. Mais, sans le pari fou d'un groupe
de naturalistes passionnés, ces vautours n'existeraient plus
dans le ciel de France.
Pendant des siècles,
en effet, ces gros oiseaux, considérés comme de véritables
symboles maléfiques en tant que mangeurs de charognes, étaient
traqués, tués, empoisonnés, alors qu'ils jouaient
en fait dans la nature depuis les temps immémoriaux, précisément
pour leurs habitudes alimentaires, un rôle de police sanitaire
irremplaçable.
Un homme suit
le ballet aérien avec une véritable tendresse. C'est
Jean-François Terrasse, l'un des principaux initiateurs de
ce projet de réintroduction de vautours dans les Grands Causses.
« L'idée
a été longue à mûrir », raconte-t-il. « La première espèce concernée était
le vautour fauve, disparu depuis 1945. La première tentative,
réalisée en 1971 avec quatre jeunes oiseaux, a été
un échec. Un vautour est mort électrocuté, un
autre a été tué par un chasseur, les deux restants
ont disparu, repartis peut-être vers l'Espagne d'où ils
étaient originaires ».
Les hommes, militants
de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), ne se sont pas laissé
décourager. Ils récupèrent de nouveaux vautours
fauves, certains nés en zoo, d'autres toujours originaires
d'Espagne, trouvés épuisés ou blessés
dans différentes régions, dans les Pyrénées
notamment. Les oiseaux sont provisoirement placés dans des
volières au sommet d'une falaise sur le territoire de la commune
de Saint-Pierre-des- Tripiers, à partir de laquelle ils peuvent
observer le paysage qui sera le leur.
«
quarrisseurs bénévoles »
Le premier d'entre eux s'échappe en 1980. Il y a vingt
ans, et nous fêtons l'anniversaire de cette fugue. L'année
suivante, ce fut la première libération « officielle
» de douze vautours. « On s'attendait à ce qu'ils
s'envolent vers le ciel, mais en fait, ils étaient incapables
de voler », se souvient Jean-François Terrasse. «
Ils sont descendus en planant dans la vallée, où ils
ont passé trois semaines à se promener à pied,
sans manger ».
Mais petit à
petit, tout est rentré dans l'ordre: les oiseaux ont non seulement
retrouvé leurs forces et leurs capacités, mais ont également
formé des couples, se sont reproduits. De 1982 à 1986,
61 autres vautours fauves ont été lâchés
à leur tour, et ont servi de point de départ à
la formation d'une colonie qui compte aujourd'hui 250 oiseaux, dont
75 couples nicheurs. Il volent en compagnie d'une trentaine de rapaces
d'une autre espèce, le vautour moine, lâchés depuis
1992 et dont les effectifs devraient grossir à leur tour.
« Bien
sûr », reconnaît le directeur de LPO Grands
Causses, Christophe Coton, « s'ils sont acceptés,
c'est que ces oiseaux ne s'attaquent jamais aux animaux vivants et qu'ils ont démontré leur utilité. En tant
qu'équarrisseurs bénévoles, les vautours des
Causses liquident 1.700 carcasses par an, alors que l'enlèvement
d'un cadavre de brebis coûte 80 francs à un éleveur
».
« En
1995, leur présence a apporté 4,5 millions de francs
au tourisme, soit 2 % du chiffre d'affaires global du tourisme régional,
et sans doute plus aujourd'hui ». Or, tout le programme
de réintroduction des vautours n'a coûté jusqu'à
présent que 7 à 10 millions de francs.
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:
Source : La
Dépêche du Midi du 16 juillet 2000