Thomas Vernay: un exemple d'élevage devenu moribond du fait du loup

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L’élevage de chèvre de Thomas Vernay constitue un exemple de ce que subissent de nombreux éleveurs confronté au loup. Suite à une attaque de loup sur son troupeau de chèvres, en enclos à proximité de son exploitation, il envoyait une lettre à la DDT pour informer de sa situation. Nous aurions pu penser que l’Etat, en application de l’article L 113-1 du Code Rural mette en place des moyens de protection. Détrompez-vous. Pire, on l’enfonce!

Mais il saura se redresser…. Avec difficulté. On ne refait pas un troupeau en allant au super marché. C’est un travail de longue haleine… Il faut du temps, beaucoup de temps souvent sans revenu.

- La lettre du 25 octobre 2012 adressée à la DDT et la Préfecture de la Drôme

Thomas Vernay
Le village
26410 Glandage

Le 25 octobre 2012

Madame, Monsieur,

Je suis installé en élevage de chèvres cachemire depuis août 2006.Voici la conclusion de l’EPI réalisé par Corinne Mandaroux de l’ADASEA le 9 juin 2006:

"Votre projet est pluridisciplinaire et demande de multiples compétences en matière d’élevage et de commercialisation entre autre. Sa réussite dépendra en grande partie de votre capacité à vous organiser pour mener de front plusieurs « métiers ». Le dynamisme et la persévérance dont vous avez fait preuve durant la préparation de votre projet nous incite à avoir confiance en vous pour mener à bien votre entreprise!"

Suite à l’obtention de la DJA, la création et l’installation hors cadre familial d’une exploitation d’élevage en zone de montagne a nécessité trois années de travail entre 2006 et 2009.La première attaque de loup sur mon troupeau a eu lieu le 6 novembre 2010. Depuis ce jour, plus de 70 chèvres sont mortes suite aux 6 attaques constatées par l’ONCFS ce qui représente plus de 40 % de mon troupeau.

J’ai mis en place sur mon exploitation les moyens de protection prévus dans les dispositifs de protection des mesures 323C. Comme ailleurs, ces mesures se sont révélées inefficaces, il a donc été nécessaire d’investir sur ma propre trésorerie et produire un temps de travail considérable pour limiter la casse. Le surcroît de travail engendré par la prédation ne m’a pas permis de mener de front les différents « métiers » » cités par l’ADASEA. Les produits financiers de mon exploitation se sont effondrés avec la prédation mettant en concurrence les activités de protection et de production. La première année de prédation, malgré les pertes, j’imaginais naïvement que l’on trouverait les moyens pour ne pas se laisser dépasser.

Mais lorsque l’association des éleveuses et éleveurs de Boulc et Glandage ont demandé officiellement au comité loup du 9 décembre 2010 des moyens supplémentaires, on nous a écoutés mais pas entendus puisque nous n’avons jamais eu de réponse officielle.

Mais aujourd’hui, après trois ans de cohabitation désastreuse avec le loup, je pourrais vous écrire des pages entières sur: les incohérences des dispositifs et des protocoles, sur les manques de moyens de la DDT et de l’ONCFS ainsi que sur le désespoir des éleveurs et les impacts sur leur vie sociale mais a priori vous le savez aussi bien que moi, tout cela n’est pas récent et ne serait que répétition.

Mais ce qui change aujourd’hui, c’est qu’il est déjà trop tard pour moi. J’ai décidé d’arrêter mon activité. J ‘ai pris la décision de vendre les chèvres. Décision lourde de conséquence mais c’est bien la seule issue qui me paraît possible actuellement. Car aujourd’hui, l’État protège le loup une espèce «en voie de disparition» pour en faire disparaître une autre, nous les éleveurs. Je ne suis pas le premier à arrêter mon activité suite à la prédation et je vous le confirme il y en aura d’autres. Ce constat est inadmissible!

Les questions qui m’importent aujourd’hui sont:

Je vous demande un rendez-vous pour avoir des réponses à ces nombreuses questions qui sont aujourd’hui urgentes et vitales.

Sincères salutations,

Thomas Vernay

- L’enfer des prédations se poursuit sans aucune aide de l’Etat

La chronologie des attaques et des interventions sur le troupeaux de Thomas Vernay est assez édifiant des conséquences mais aussi des comportements des pouvoirs publics face aux prédations.... A l'éleveur de se débrouiller seul... Pas de cellule psychologique comme à l'éducation nationale... Encore que, la MSA, Mutualité Sociale Agricole, vient de prendre des mesures de prise en charge des éleveurs face à ces situations dramatiques.

- Une battue symbolique est organisée

«A l’appel de la Confédération paysanne, une battue symbolique est organisée le samedi 8 décembre à Bauduen (83630) dans le VAR pour chasser le loup de nos territoires. (RDV à 11h au hameau de Bounas, route D957, plus d’infos au 04 94 85 27 10)»

Lorsque les écologistes parlent aujourd’hui de la cohabitation passée entre le berger et le loup, ils oublient de parler de l’histoire. Une histoire qu’ils occultent systématiquement et à laquelle ils ne font jamais allusion en lui préférant des affirmations sans preuve.

Jadis, la cohabitation était contrainte. Il n’existait pas d’autres moyens, pas même de clôtures suffisantes même s’ils avaient parfois de petits enclos pour la nuit. Une attaque de loup pouvait devenir une calamité et source de famine pour des familles.

Par contre, lorsque le berger avait un fusil, ce qui n’était pas toujours évident, il y avait possibilité de tuer le loup. Lorsque la pression était trop forte, des battues étaient organisées avec des chasseurs afin d’éliminer la source de prédation.

Aujourd’hui, le berger n’a qu’une solution, la pire: regarder son troupeau se faire massacrer par les loups sans aucune possibilité d’intervenir pour le défendre.

Et pire encore, lorsque vous êtes une victime, on vous montre du doigt, on vous explique comment faire votre métier (rentrez vos chèvres) et un lieutenant de louveterie se dit impuissant et refuse une intervention alors que son job historique est justement de faire cesser les prédations de loups.

- Epilogue

Thomas Vernay est toujours éleveur. Plus militant que jamais à la Confédération Paysanne, il représente son syndicat au groupe de travail "Grands carnivores" de l’Union Européenne à Bruxelles qui vient d’être constitué le 24 janvier 2013.

Il devient une sorte de porte-parole des éleveurs victimes d’attaques de loups. Et lui, il sait de quoi il parle.