Depuis très longtemps et jusque dans les années 1960, l’Etat paie des primes aux chasseurs de loups. C’est bien la preuve que la notion de cohabitation n’a jamais existé et que le loup a toujours été considéré comme un nuisible. Nous constatons que, déjà en 1800, l’Etat avait des difficultés à payer ses dettes….
Auteur:
Jean-Marc Moriceau
Pendant la guerre civile qui désole notre bocage, les loups n’étant point chassés et trouvant une pâture abondante, ont multiplié à l’excès. Aujourd’hui, ces animaux enlèvent les moutons en plein jour à la vue du berger ; ils attaquent aussi en plein jour les bestiaux répandus sur les pâturages, même les vieux bœufs.
Les cultivateurs ne peuvent plus laisser la nuit leurs bestiaux dehors : ce qui cause une consommation extraordinaire de fourrage à l’étable. La perte qu’éprouve d’ailleurs notre bocage par les ravages de loups est immense ; il est telle métairie où il ne reste plus de moutons, et dans le plus grand nombre, on en compte 30 ou 40 de pertes depuis un an.
L’activité des chasseurs s’est accrue en raison de la multiplicité des loups et il se passe pas de jour (sic) qu’on ne m’en présente des têtes. Tous réclament avec instance le prix de leur temps et du danger attaché à cette chasse. La majeure partie viennent de fort loin et font de la dépense pour obtenir leur mandat. Tous s’en vont mécontents de n’être pas payés. Au 2 floréal, j’eus l’honneur de vous instruire qu’il était dû pour cette nature de dépense depuis le 1er vendémiaire dernier 1590 F. Depuis cette époque mes mandats s’élèvent à 2020 F, ce qui monte le total de cette dette à 3610F, et cette somme est due, pour la majeure partie, à des malheureux qui attendent leur contingent pour avoir du pain. Une autre considération importante, dont le prix néanmoins ne peut être bien senti à si grande distance, le défaut de paiement d’une dette de cette nature et aussi légère indispose les esprits du bocage, faciles à aigrir contre la République. Dans leur grossièreté et leur malice ils vont jusqu’à accuser le gouvernement d’impuissance.
Il est donc intéressant et instant, sous le rapport de l’intérêt de l’agriculture, des manufactures, de l’abondance des subsistances, de la confiance que doivent inspirer les promesses du gouvernement, que ces fonds soient faits de suite pour le paiement d’une prime d’encouragement de la destructions des loups, et je vous prie, citoyen Ministre, d’en mettre à ma disposition pour cet objet.
Avant de terminer cette lettre, je dois encore, citoyen Ministre, vous faire part d’une observation. Le prix de la prime d’encouragement pourrait être diminué sans inconvénient, pourvu qu’il fût payé exactement à présentation ou admis en compensation des contributions directes.
Salut et respect, Le Faucheur.
Les primes dues pour l’an VII font partie du travail que j’ai ordonné pour la liquidation des dépenses arriérées de mon ministère. A l’égard de l’an VIII, j’ai proposé aux Consuls un nouveau mode de paiement. Je vous informerai de la décision qui sera prise et de quelle manière vous pourrez satisfaire à cette partie de la dépense publique. Je vous salue, etc.
NdR:
les documents anciens mis à disposition ne permettent pas de bien distinguer la signature. Soit "Le Faucheur" en deux mots doit "Lefaucheux". Mais il s'agit bien
de la même personne.