Le loup d'Aspre-les-Corps

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Sur la commune d'Aspres-les-Corps, dans les Hautes-Alpes, le 25 novembre 1992, un mâle âgé de trois ans est abattu. A priori, mais sans pouvoir le confirmer, ce serait le premier vrai loup abattu après l'annonce médiatique d'un retour du loup en France.

- Origine du fait divers

"En novembre 1992, l'animal est tué d'un coup de fusil. L'ONC enquête. Armand Fayard le conservateur du Muséum de Grenoble s'étonne: "On nous aurait signalé sa présence avant et ailleurs". Gilbert Simon, le DNP, évoque la possibilité que ce loup se soit échappé d'un enclos ou qu'il ait été relâché volontairement. A Gap, deux personnes possèdent des loups importés de Pologne mais aucun d'entre ne s'est échappé. Le loup est exposé à Aspres dans la cour de la ferme du maire. Une expertise est demandée au Muséum de Grenoble. L'animal fait 37 kg. Son âge est évalué à 3 ans. Des poils sont envoyés dans le laboratoire de Genève du professeur Keller afin de déterminer son identité par l'examen de la structure des poils".

Compléments: "Les analyses démontrent que ce loup est d'origine italienne"

Source: Le loup en France au vingtième siècle: recherches bibliographiques de Jacques Baillon - Texte rédigé d'aptès l'article de Libération du 29 décembre 1992: A Aspres, tant crie-t-on au loup de Florence Aubenas

A Aspres, tant crie-t-on au loup qu’il meurt - Florence Aubenas - Libération du 29 décembre 1992

- Présentation du Loup

Selon le Muséum de Grenoble, ce loup semble être un vrai et non un hybride comme à Fontan dans les Alpes-Maritimes en décembre 1987. Il a été tué trois semaines après l’annonce médiatique de la présence de loups dans le vallon de Molière dans le Parc National du Mercantour et le jour où une audition avait lieu concernant les loups de Castérino. Des coïncidences dans un espace-temps très court qui ne lève aucune zone d’ombre quant à la suite du développement du loup.

Les conclusions du rapport du Muséum de Grenoble sont légèrement différentes de ce qui est communément dit dans la presse et diffusé par les mouvements écologistes. Hormis le poids de 35 kg et non de 37, l'âge du loup de "3 à 4 ans (serait à confirmer)". Ce qui est beaucoup affirmatif que tout ce qui a été diffusé. Le plus remarquable est: "Provenance: Europe". Il n'est pas mentionné une provenance "italienne".

Le rapport de la "Commission d'enquête sur les conditions de la présence du loup en France et l'exercice du pastoralisme dans les zones de montagne" précise:

"Ainsi, l'analyse génétique des loups présents sur le territoire français confirme leur origine italienne, du moins, plus précisément, de ceux dont on a retrouvé des poils ou des excréments. Pour autant, elle ne nous dit pas comment ces loups sont arrivés jusqu'en France. Cela suppose simplement que s'il y a eu lâché de loup, ceux-ci auront dû être pris en Italie puis transportés en France. En effet, tous les loups captifs en France sont soit de souche polonaise, soit nord -américaine, soit, plus récemment, mongole".

Le Muséum de Grenoble laisse donc un large éventail d'appréciation sur la provenance de ce loup. A moins qu'en 1992 il ait été incompétent. Ce qui ne manque pas d'inquiéter quant aux autres affirmations de cette période.

Si ce loup sert de référence pour le Muséum d'Histoire Naturelle de Grenoble en terme de description physique et plus des interrogation peuvent se poser sur le niveau de connaissance des spécialistes d'aujourd'hui.. Nous remarquons par ailleurs que ce n'est pas le Muséum de Grenoble qui sera sollicité pour "expertiser" les loups de Castérino mais Geneviève Carbone, doctorante au Muséum de Paris. Pourquoi ce changement? Pourquoi une "débutante" et non un Muséum qui avait déjà une expérience?

- La Polémique

Gilbert Simon, alors directeur de la Direction de la Nature et des Paysages au Ministère de l'Environnement, explique devant la "Commission d'enquête (p.15) sur les conditions de la présence du loup en France et l'exercice du pastoralisme dans les zones de montagne" qu'il provient probablement d'un lâcher clandestin, lors d'un entretien avec une journaliste de Libération:

"Ce sont les fédéraux de l'Office national de la chasse qui sont chargés de remonter les traces de l'animal insolite. Première hypothèse, il serait venu des Abruzzes, où l'Italie mène actuellement une politique de sauvegarde comparable à celle de la France pour l'ours des Pyrénées. (...) Le plus probable serait donc un loup parti d'un cirque ou de l'élevage d'un particulier. "Un fugueur peut-être, explique Gilbert Simon, directeur de la direction de la protection de la nature et des paysages, mais il existe aujourd'hui une catégorie de nostalgiques qui font de la provocation et lâchent clandestinement des animaux sauvages".(1)

Certains passionnés du loup paraissent d'ailleurs, eux aussi, avoir connaissance de ces lâchers clandestins:

"La pression de l'homme sur son milieu est devenue si pesante que quelques révoltés, désireux de recoller les morceaux d'un monde perdu, n'hésitent pas à prendre le maquis: ça et là en Europe, des loups captifs auraient déjà été discrètement relâchés, dans quelques sites tenus secrets... Ces tentatives marginales suffiront-elles à rendre à Canis Lupis la place qui était la sienne?" (2)

(1) - Libération, 29 déc. 1992, article de Florence Aubenas.

(2) - Jacques Baillon, Nos derniers loups, les loups autrefois en Orléanais, Association des Naturalistes Orléanais, 503 p., Orléans, 1991