Randonnée en montagne dans les Pyrénées: un groupe inquiétant?

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Récemment sur un forum d'alpinisme, j'ai trouvé ce récit surprenant qui se passe dans les Pyrénées. L'UCPA de Barèges n'existant plus depuis longtemps et la description donnée me laissent à penser que les faits se déroulent dans les années 70/80 (pour être large et ne pas pouvoir identifier). L'UCPA avait ses propres valeurs d'appréciation sur l'encadrement, la loi sur le sport de 1984 n'était pas encore sortie ou mise en application. Je vous laisse le soin de découvrir.... Pas d'obligation d'avoir un Breveté d'Etat (BE)
Par pudeur et discrétion, aucun nom ne sera cité mais je peux garantir que ce récit refléte des faits réels et que la personne semble, aujourd'hui, selon son adresse, être un universitaire du côté de la Franche Comté.

A chacun ses valeurs!

Personnellement, je ne peux pas m'empécher de faire quelques commentaires....

Louis Dollo, novembre 2002

Auteur: Francois.........
Date: 27 nov 2002

Avertissement au lecteur: si ça vous plaît pas, vous zavez qu'à pas lire.

J'ai de bons souvenirs des Pyrénées et de l'UCPA.
Le Ministère de la Justice avait tenté une expérience avec des jeunes de banlieues difficiles (les jeunes et les banlieues) comme on dit maintenant. On aurait pu appeler cette expérience: "Rédemption par la montagne". En gros, il s'agissait de conduire une douzaine de jeunes, accompagnés par deux éducateurs musclés, en montagne pendant une semaine pour les sortir un temps de leur galère, leur montrer ce qu'est l'effort physique et leur apprendre la solidarité propre à la grande fraternité alpine, selon les normes en usage dans la littérature de montagne, le tout enveloppé de papillotes. Lesquels solidarité et fraternité n'empêchent pas les piolets de disparaître dans les refuges, les mousquetons de se volatiliser (entre autres), les frontales de se dissoudre dans l'atmosphère, les cordes de s'évanouir et les premiers arrivés de prendre les meilleurs places et de les défendre l'arme au poing. Les éducateurs musclés étaient là pour assurer l'ordre.

La solidarité? pas de doute, ils étaient solidaires... surtout dans les conneries. Il fallait donc orienter cette qualité vers d'autres valeurs. En ce qui concernait l'effort physique, c'était autre chose naturellement, mais on y est arrivé. Et pour l'ordre, on n'a pas eu le moindre problème et les deux musclés se sont roulés les pouces durant tout le séjour. Il faut dire qu'au train où on a mené les choses, les têtes tombaient dans les assiettes dès la fin du repas et, le soir, leur souci prioritaire était d'aller se coucher. Et les deux gardes-chiourme à l'avenant.

Du point de vue éducatif, on leur avait distribué à chacun des tâches simples et précises. Il y a eu un peu de patinage et de coups de gueule au démarrage puis, finalement, tout a marché comme sur des roulettes

On les a accompagnés sur un sommet de 3.000m qui était, si mes souvenirs sont bons, le Turon du Néouvielle, sommet débonnaire s'il en est, mais faut marcher, se fatiguer et gagner son paradis à la sueur de son front et à la semelle de ses godasses. Et puis, bon, c'est un 3000, magie des chiffres ronds et des ribambelles de zéros. Ils étaient ravis. Je me souviens qu'on avait gravi un névé un peu gelé. Une technique très en vogue à l'époque consistait à tailler des marches dans la foulée avec la panne du piolet. Il était nécessaire d'avoir un certain "coup de main" et une bonne coordination, moyennant quoi, on évitait de chausser les crampons. Cette technique semble abandonnée... dommage. Il est vrai que les piolets actuels ne s'y prêteraient guère. On avait monté... j'avais monté, une bouteille de Champagne pour marquer l'événement, bouteille payée de ma poche avec la maigre solde que m'allouait royalement l'UCPA à la fin de chaque mois, en contrepartie des risques pris pour emmener dans la montagne des gens que je ne connaissais ni d'Eve, ni d'Adam. Qu'on se rassure, avec une bouteille pour une quinzaine, on ne risquait pas de rouler sous la table, d'ailleurs, au sommet du Turon du Néouvielle, je ne crois pas me souvenir qu'il y avait une table. Mais du Champagne dans des gobelets en plastique, ce n'est quand même pas fantastique, et les papilles ne s'y retrouvent pas. Le goût est bizarre... pas mauvais, mais bizarre... et les bulles n'ont pas la même gueule que dans des flûtes. Elles sont plus paresseuses, font moins aristocratique...

On les a menés aussi au petit Vignemale, par la voie normale, hein! eh, oh, pas fou quand même! La voie normale du petit Vignemale est une course pour papy, tout à fait tranquille et qui se fait les mains dans les poches. Mais évidemment, tout dépendait de la façon de présenter les choses: en leur expliquant que c'était du vrai alpinisme avec des glaciers tous blancs - vous m'écoutez, oui?- et de la neige en plein mois de juillet et des rochers très vertigineux et de la glace et du vide et un vaste paysage de haute montagne bien majestueux et bien grandiose, vous avez déjà vu des cartes postales? ben là c'est la même chose mais en vrai dans la vraie vie, c'est vachement mieux, non? C'est comme à Chamonix sauf qu'on est dans les Pyrénées mais autrement c'est pareil. Regardez si on voit loin. Ho! les gars, vous entendez ce que je raconte? et tous les sommets là autour, vous les connaissez? non, bien sûr. Vous vous en foutez? bon. Et une corde (absolument inutile mais cependant indispensable) et, au retour, le regard respectueux et admiratif des randonneuses qui passaient au pied de l'arrête. Examen de virilité réussi. "Vous êtes de vrais hommes, les gars. Vous avez bravé les dangers de la montagne. Faut en avoir, pour ça! Vous allez voir, elles vont vous tomber toutes chaudes dans les bras". Ben, euh... ça fait un moment que je crapahute mais je n'ai jamais remarqué. Mais je ne leur ai pas dit, hein! faut pas leur casser la baraque, j'ai gardé ça pour moi, bon je dois pas savoir y faire (pourtant, bon, merde, prestige du moniteur, bronzage play-boy, yeux bleus et sourire dentifrice... alors quoi? ou bien j'ai pas les yeux en face des trous? Il y a quelque chose qui m'échappe...)

Bref, le soir, ils étaient tout fiérots, roulaient des mécaniques, parlaient haut et fort avec force commentaires, en un mot comme en cent, ils faisaient partie de la confrérie et ils en redemandaient.

Le petit Vignemale n'était pas prévu au programme. On en a pris à notre aise avec le règlement qui disait qu'il ne fallait s'écarter sous aucun prétexte de l'itinéraire déposé, sauf cas de force majeure. Ma foi, ce jour-là, la joie et la satisfaction de quelques jeunes galopins de banlieue nous ont semblé un cas de force majeure. Cette entorse au règlement n'a d'ailleurs pas eu de suite, le chef de centre étant un homme grincheux mais compréhensif.

A la fin du séjour, quand on s'est séparé, tout le monde avait la larme à l'oeil, snif, snif! On s'écrira? Echange d'adresses qui sont restées quinze jours dans le fond des poches puis ont disparu dans le temps. Et voilà. Ainsi va la vie.

Nota: le texte a été reproduit sans aucune modification et dans son intégralité. - Voir la réaction de Louis Dollo