Traversée des Pyrénées à ski: message 4 de Nico

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Lundi 4 mars 2002

La montagne semble aimer les histoires à répétition.

Nous revoici donc après une semaine de traversée de retour à la maison.

Mais quelle semaine!

Forts de nos déconvenues au Canigou et en Andorre, on prend la sage décision de rapatrier le camion-couchettes-transport de Mickael pour revenir à notre traversée délaissée. Posé à El Serrat au-dessus d'Andorre, il nous évitera les galères genre hôtel de luxe américain à Soldeu, appel Papa-Maman pour rapatriement illico,...

Et lundi 25 février, sous une chaleur torride (bien loin de la tempête d'il y avait trois jours), nous nous faisons larguer dans la vallée de Ransol. Bien décidés à la continuer cette traversée. Les couches tombent. Le moral comme le ciel, au beau fixe. Fabien nous disait à Soldeu:

"Vous verrez, après 3 jours de repos, vous serez dans votre phase de surcompensation".

Dans son esprit cela voulait dire que nous serions tels ces athlètes des JO insensibles à l'effort? Nos jambes s'en souviennent encore! Mais le plaisir d'avoir enfin une journée de beau temps et surtout de faire une randonnée splendide nous fait tout oublier (enfin surtout arrivés au sommet). Un dédale de petites vallées, cols et arête finale pour monter au Pic de Serrère (dire que nous voulions faire cela par mauvais temps, un gâchis !), nous découvrent, au fur et à mesure que nous montons, un panorama splendide.

Toujours seuls durant toute la journée, nous regardons les massifs parcourus. Là-bas, vers l'est: les Pyrénées-Orientales. Ici l'Andorre. Plus loin, à découvrir: déjà l'Ariège et l'Espagne. Et ses vallées profondes. Le Pic de Serrère est une longue arête Est-Ouest. Mickael la parcoure. Il est au loin. Semble perdu avec en fond cette chaîne qui nous attend. Click dans la boite! Quelques minutes au vent à souffler.

On enlève les peaux de phoques, chausse les skis. Et c'est la descente dans une neige. De printemps! Transformée, lourde. Crevés, trop chargés. Nous faisons des courbes de chasse-neige grandioses. Evitons la chute. Arrêt sur un îlot d'herbes où nous festoierons d'une boite de maquereaux (nos doigts s'en souviennent encore). C'est bon. Magique. Tout nous réconcilie avec la montagne aujourd'hui. Redescente dans le Val de Sorteny, au-dessus d'El Serrat. Et passons devant la cabane de Sorteny. Ouverte. Ou nous devions dormir. Mais aujourd'hui, grand luxe à nouveau, nous dormons dans le camion de Mickael. Arrivé la figure en feu, les jambes lourdes. Séance de stretching quotidien obligatoire. Sur l'air connu dans une certaine entreprise, nous répétons les gestes d'étirement appris (et souvent négligés à tort). Nous sommes comiques sur le parking, en doudoune et collant et nu-pieds à se tordre dans tous les sens.

Lecture, musique, deux trois conneries du soir et au lit. Il est 21h00.

Déjà 7h00. Argh, l'étape clé aujourd'hui: sortir de l'Andorre, passer en Ariège par le Port du Rat, remonter puis redescendre en Espagne par le Port de Bouet, dans le Val Ferrer. Bon d'abord s'extirper du camion. Déjà mauvaise surprise: fuite d'eau dans le moteur. Mauvais sort, mauvaise journée ! Tant pis, partis sur les pistes d'Arcalis, nous remontons vers ce fameux Col dont Louis m'a tout raconté ou presque.

Derrière on sait qu'il y a beaucoup, beaucoup de neige. Devant cela semble juste être une montée un peu raide puis une traversée ascendante vers le Col. Tout au plus 200 mètres de dénivelé. Mais la petite montée s'avère être une neige complètement instable: plaque gelée sur le dessus que l'on casse avec les skis.

En dessous neige fraîche, sans aucune cohésion. La pente raide passée, les couloirs qui menacent en dessus et en dessous de la traversée ascendante ne nous inspirent pas. Enfin surtout Mickael, le plus sage! Nous redescendons.

Et la première "bonne" surprise de la journée: la fuite ne provient que d'une durite percée.

Arrêt dans un garage andorran, où nous tombons sur un gars génial qui nous répare cela illico en 1/2 heure avec nouvelle durite, réparation du biniou et tout. Et c'est parti pour 150 kilomètres pour redescendre l'Andorre, passer en Espagne, basculer dans l'autre vallée, remonter le Val Ferrer, chausser les skis (sur le dos) à 1.300m et monter au refuge du Val Ferrer (distant du Port du Rat de 3 bons kilomètres!), à 1.930m. Arrivée à 18h00, nous sommes encore et toujours seuls dans ce beau refuge. Il lui manque qu'une cheminée! Mais le ravitaillement que j'avais laissé 2 semaines auparavant nous fait oublier nos déconvenues: après un thé fort de gâteaux et autres gourmandises nos estomacs se finissent sur un bon cassoulet de 1.5kg pour nous deux.

Mercredi. Les nuages déjà se profilent en fond d'Espagne.

Normalement cela doit tenir "hasta el fin de semana". Aujourd'hui direction la vallée suivante. Les Pyrénées sont une succession de vallées Nord-Sud (avec quelques accidents géologiques comme la Cerdagne et la vallée de Vielha). Nos journées se résument donc à remonter les flancs d'une vallée, passer un col, redescendre dans la vallée suivante. Toujours plus à l'ouest.

Aujourd'hui nous quittons le Val Ferrer, pour la vallée de Lladorre.

Mickael introduit un nouveau mot dans notre traversée: les brouchousses. Une étape n'est pas valide si nous ne faisons pas 1.000 mètres de dénivelée, un passage de col et une séance de brouchousses à l'arrivée en fond de vallée. Les brouchousses (prononcé "broutechousses", tout proche de broute-choux, s'en rapprochant ou s'en éloignant selon sa qualité) sont par notre définition une zone inskiable où tout semble fait pour empêcher le randonneur fatigué d'arriver tranquillement au gîte du soir, les skis au pied avec une bonne après-midi de soleil en récompense de ses efforts. Les brouchousses se trouvent en général entre 1.800m et 1.500m d'altitude, entre la haute-montagne, et le fond de la vallée. Quand la forêt, les barres rocheuses, les cours d'eau reprennent possession des lieux après l'univers minéral de la haute-montagne, régal du skieur de randonnée où il n'a que deux choses à penser: avancer un ski après l'autre à la montée, faire des virages à la descente (vision simpliste et relative). Dans les brouchousses on surveille les pentes (avalancheuses pour la plupart), l'altimètre (à Altitude! Inconnue Indispensable à Connaître), la carte, les passages de rivière, le petit chemin introuvable qui doit nous mener sain et sauf au fond de la vallée, les barres rocheuses.

Déchausser. Remonter un petit raidillon. Rebrousser chemin. Non finalement c'était le bon! Mettre les skis sur le sac. Elaguer toutes les branches avec nos skis. Se baisser, se relever, ramper presque. Avancer. Rechausser: là sûr on est arrivé en fond de vallée.

Erreur! Suivre son instinct ou le chemin marqué sur la carte? Enfin les brouchousses sont un moment où l'on rêve d'être ailleurs! Et soudainement un pré se découvre, la pente faiblit. La vallée s'élargit. Et parfois, par chance, un petit plat descendant nous permet de rechausser les skis et de sentir la fin arrivée. La fatigue également.

Et je disais donc, qu'aujourd'hui, mercredi, nous avons eu droit à deux séances de brouchousses. Au départ, et à l'arrivée. Déjà nous nous prenons à vouloir prendre des raccourcis là où il n'y en a pas: du refuge de Val Ferrer, traversée brouchoussiennes pour rejoindre un chemin où même quand il y a des marques (jaune, rouge et vert, quelle choisir?) nous ne voyons pas le chemin.

Heureusement après forces de batailles nous atteignons l'altitude de 2.000m (les brouchousses ici sont vigoureux) nous chaussons les skis dans une pente gelée et raide. Nous n'avons pas mis nos couteaux (dents de fers qui se mettent sous les skis et qui permettent de mieux entrer dans la neige dure pour pouvoir assurer l'emprise du ski dans la pente, un peu gore, mais ça tient !). Deux choix: je pars en traversée prudente vers un éperon plus engageant. Mickael tente d'attaquer la pente de face. Les peaux adhèrent. Je prends une photo de profil tellement je suis impressionné. Mais comment tient-il? Et puis c'est la chute! Il commence à glisser puis à faire un roulé-boulé. Heureusement s'arrête un peu plus bas, les skis en travers, les mains un peu écorchées. Il me rejoint à pied. Et pourtant cela n'a l'air de rien. Mais les conditions de neige (neige dure, gelée, glacée, plaquée, poudreuse, croutée) conditionne le niveau de difficulté à skier plus que le relief lui-même.

Enfin nous arrivons à un lac, qu'un refuge (celui de Baborte) semble garder. Nous sommes au pied ouest de la Pique d'Estats. On dirait le bout du monde. Le col au fond à gauche nous appelle. Chemin le plus facile pour continuer. C'est le nôtre.

Le passage d'un col est toujours un moment privilégié. C'est surtout la crainte de tomber sur une pente un peu trop raide. Et avalancheuse. Souvent plaquée (formation sous le vent d'un relief d'une neige dure sur le dessus et pulvérulente sur le dessous propice au départ d'avalanches de "plaques" en particulier sous l'action de nos skis qui cisaillent la pente de neige). La crainte et l'envie partagée de découvrir un autre paysage, une autre vallée, notre étape de demain. Les difficultés et plaisirs à venir.

L'arrivée au col c'est souvent le soulagement. D'en avoir terminé avec cette montée, les dénivelées qui s'égrènent trop doucement. Et même si alourdis par les sacs nous sommes devenus maladroits et précautionneux, c'est aussi le plaisir à venir d'une descente, et de virages dans une poudreuse qui est (hors brouchousses) fabuleuse.

Un verre de thé et une poignée de dattes plus tard, les skis au pied, l'oeil aux aguets et la carte à portée de main, nous descendons. Un paysage de neige et rocs. Nous suivons quelques restants de traces qui nous conduisent tantôt sur un versant, tantôt sur l'autre. Au fond de la vallée, près d'une cabane en ruine. Nous montrent la brusque cascade à éviter par la gauche, et nous laissent à nos histoires, entrer dans nos brouchousses. Notre galère. Nous contemplons sans trop nous attarder les impressionnantes coulées de neige qui coupent la vallée.

Nous descendons trop tôt dans la journée, trop tard après la chute de neige. Nous ne risquons presque rien. La carte est bonne. Elle indique de traverser à l'altitude 1830m versant rive droite, puis de revenir rive gauche. Les barres en dessous, nous confirment ce choix et nous devinons entre pins, sapins et broussailles un semblant de chemin. C'est le bon. Ces brouchousses ne nous aurons pas. La descente se fait alors d'abord à ski puis à pied le long d'un raidillon traversant blocs, forêts et falaises allègrement. Passé devant j'entends un gros "Ahhhh" de Mickael. Au début je ne comprends pas puis commence à remonter. Puis croyant qu'il me disait "Regarde là!", je m'apprête à tomber face à un ours (le rêve!) puis finalement commence vraiment à m'inquiéter en pensant tout simplement qu'il s'est fait mal. Non c'était juste un cri de rage quant à force de brouchousser, son matelas est tombé de son sac, dans la pente. Les brouchousses sont coriaces ici! Et enfin nous touchons le sol. Plat. Et c'est le deuxième soulagement de la journée. Celui d'une journée bien remplie, avec toutes ce qui lui faut qui nous restent dans les jambes et la tête. Quelques pas de patineurs sur une neige dure à souhait, quelques regards sur la carte et le chemin et voilà que se découvre, en dessous de ces isards apeurés qui s'enfuient en grimpant, volant sur les pierres, notre gîte, abri, refuge, palace du soir: une bien belle cabane de berger. 4 murs de pierre, un sol de terre, une fenêtre qui fait office de cheminée, une porte d'entrée. Mais ici, à 1.400m d'altitude, c'est en caleçon et tee-shirts que nous terminons cette journée. Au soleil se voilant de plus en plus (cirrostratus partout dans le ciel, se formant à l'avant d'une dépression disait les bouquins sur le sujet, elle ne nous aura pas gâché cette journée en tout cas !). Quelques restes de saucisson et de fromage, une soupe, une plâtrée de pâtes, trois carreaux de chocolat, un bon bol d'Amélie Nothomb et une rasade de Bob Marley. Une nuit comme celle qu'on ne passe pas dans son lit. Et des rêves toujours bien étranges ces temps-ci.

Déjà le lendemain. Aujourd'hui. Jeudi. Le temps ne s'est pas dégagé. Il n'a pas empiré. L'étape: montée au refuge de Certescan puis au col au pied du pic du même nom, descente vers le petit village de Noarre ou des sympathiques granges devraient nous attendrent. Deux choix se posent à nous: une montée directe de 400m de dénivelée mais dans les brouchousses. Un long détour par une route, tranquille. Une séance par jour de brouchousses étant suffisante, nous optons pour la longue, longue route qui mènent par multiples virages, traversées de rivières et pentes assez avalancheuses juste en dessous du refuge de Certescan. Là même topo qu'hier mais cette fois-ci je mets les couteaux. Mickael n'en a pas. La neige est dure à skis. A pied c'est un enfer où nous nous enfonçons. Je n'ai aucun problème. Prudemment Mickael se fait tout de même des sueurs froides. Et nous finissons les skis sur le sac la montée au refuge de Certescan. Là-haut encore, seuls. Un bon verre de thé et nos barres favorites y sont englouties. Il nous reste à remonter quelques 400m de vallon puis raidillon avant le col. C'est toujours l'incertitude de savoir comment cela va passer. Mais le vallon que nous remontons est O combien agréable, les pentes sont douces et le col vite atteint sans aucune autre frayeur.

Là-haut le vent nous permet de prendre le temps d'enlever nos peaux, se mettre une bonne veste et descendre. Un luxe! Les cirrostratus ont fait place aux altostratus. Le plafond descend mais il est déjà trop tard. Nous avons passé le col. Ce ne sera pas pour cette fois-ci! La boussole reste au fond du sac. La descente slalome entre les lacs, les traversées à flancs. Et, bien plus haut que nos brouchousses que nous voyons en contre-bas, nous faisons déjà des montées et redescentes pour trouver un chemin entre les falaises rocheuses. Cette fois-ci le chemin n'est pas évident. La carte plutôt imprécise. Et rapidement nous arrivons à des endroits où il ne faudrait pas être. Puis c'est la forêt et ce maigre chemin. Nous bataillons pour ne pas le perdre. Quelques marques rouges sur les arbres nous sauvent de galères genre à arriver de nuit. Et après 2 heures dedans (seulement!), nous arrivons aux sons des cloches des chèvres à ce qu'avait marqué Mickael sur son itinéraire: les Granges de Noarre. Hameau d'aucune âme (humaine) en hiver. Seuls quelques chiens et chèvres nous accueillent. Au loin un brave homme, parlant un Espagnol aussi bon que le mien (on est en pays Catalan, et on parle Catalan) nous indique qu'à 1 heure en bas, à Graus, il y a un camping-refuge. Que oui nous pouvons dormir dans une des granges et que oui là-bas, dans cette vallée qui monte, il y a le Mont Rouch. But de demain. Partagés entre granges et maisons secondaires nous tentons de trouver la petite clé sous le caillou près de la fenêtre qui ouvrira la porte à un confort un peu plus élevé. Finalement, sans clé, nous nous affalons, mouillés, dans le foin d'une grange. Cela sent bon. Il y fait (relativement) chaud. C'est confortable. Il y manque toujours que la cheminée (dans une grange, nous commençons à délirer !). Entre un vieux motoculteur, les outils en bois et une grosse botte de foin, la soupe chauffe et nous nous strechons. Nos muscles crient de soulagement! Endormis vite au son de la porte qui grincent et du vent qui rentrent par les innombrables trous nous nous réveillons parfois dans la nuit sous les fines gouttes qui nous tombent sur le visage.

Le lendemain nous attend dehors un ciel de neige, un temps de neige et un tapis de neige fondue autour des granges. On est vendredi et l'étape semble compromise. Autant la montée au refuge du Mont Rouch est faisable. Autant le dédale pour arriver à "la collada del Mont Roig" semble impensable en pleine tempête, neige, brouillard. Descente sous la neige, pluie-neige puis pluie à ce fameux Camping de Graus que je vous recommande: ils accueillent volontiers les randonneurs en perdition. La maîtresse de maison nous appelle même un taxi qui nous ramènera au camion, dans le Val Ferrer. 30 kilomètres de route, un peu de chemin de montagne, 60 euros! Enfin nous sommes sous notre toit. L'heure est aux onciliabules. Apr�s un appel (d�sesp�r�) � Louis Dollo ("Vous n'abandonnez pas hein!" Nous fait-il presque jurer) nous prenons la météo pour "el fin de semana": mauvais aujourd'hui. Pareil samedi. Relativement beau dimanche. Après une nouvelle perturbation arriverait! Plusieurs choix: attendre ici pour faire l'étape du Mont Rouch dimanche, faire l'étape suivante Isil - Baqueira Béret samedi sous la tempête puis la montée dans les Encantats (refuge de Colomers) dimanche mais après? Des amis nous rejoignant à Salardu pour les étapes dans les Encantats nous décidons de repousser à un jour indéfini nos deux étapes, à foncer sur Salardu en camion et à prévenir nos copains de nous rejoindre samedi matin. Bien nous en pris. Voir la suite.

Vendredi soir nous nous postons à l'Hospice de Vielha, sortie sud du tunnel. Le lendemain matin, à grand réconfort de "pan con tomate" du sympathique gérant du coin, nous regardons la neige tomber avec nos copains venus nous rejoindre: Yvan, Eric et sa copine Gwenola. Peu enclins à partir nous y allons tout de même. Et tout le reste devient enchantement. Même sous la neige qui tombe (ou plutôt encore plus!), même si nous ne faisons que deviner ces sommets alentours, la simple montée au refuge de Colomers est superbe. Grandes forêts. Remontées de rivières, vallons. Vallées douces entre sommets prestigieux. J'ai l'impression d'être ces trappeurs de Grand Nord allant chasser le renne. On déchante un peu l'arrivée au refuge. D'abord c'est l'arrivée dans la civilisation des skieurs de randonnées et surtout dans un refuge où l'accueil n'est pas celui qui devrait être.

Quand je demande si nous pouvons dormir ici à 5 (le refuge a 30 places, il est 5 heures du soir, hormis nous il y a 2 personnes), le gardien me répond sur un ton plus qu'antipathique, je dirais agressif, que nous ne pouvons pas dormir parce que le refuge est plein et que nous n'avons pas réservé et que nous devons redescendre. Un refuge d'hiver est à côté. Quand je lui demande s'il est ouvert, il me répond sur le même ton que non, "hay que bajar" ("il faut descendre!). Quand je lui demande s'il peut l'ouvrir, il commence à s'énerver. Je laisse tomber et reviens voir mes compagnons. Mickael, peu enclin à céder va le voir et commence alors un pugilat verbal qui me rappelle tout sauf l'ambiance de la montagne que je recherche. Quand Mickael lui dit qu'il dormira dans la cuisine, le gardien lui répond qu'il appellera la police! Puis le gardien nous sort qu'un tunnel existe (ancienne mine) au pied d'une falaise que nous apercevons de l'autre côté du lac. Alors nous partons. Remettons nos chaussures humides, les peaux sur les skis, traversons le barrage et allons à la recherche de ce VRAI refuge. La neige est bien tombée. Et pour la première fois je me sers de ma sonde. Et je sonde la falaise sous la neige. A force de recherche et d'observation nous trouvons le trou au bout de cette absence de réponse dans ma sonde. Les pelles font leur oeuvre et un quart d'heure après nous pouvons pénétrer dans ce qui est un mixte entre couchage et toilettes. Ce lieu permet en été à 50 personnes d'échapper à la déconvenue du refuge de Colomers.

Trouvé in-extremis avant la nuit, Eric nous congratule d'une superbe sculpture de neige à l'entrée. Elle gardera le lieu pour la nuit qui enfin se découvre.

Puis le rituel reprend: faire fondre de la neige, boire du thé, refaire fondre de la neige, la soupe, encore fondre, enfin les pâtes. Quelques douceurs agrémentent ce repas en particulier la sauce tomate et l'huile d'olive que nous portons depuis le Canigou et que nous ne regrettons jamais. Serrés en rang d'oignons tous les cinq nous dormons dans ce trou noir bizarre. Les toilettes sont au fond tout droit.

Et le lendemain est un autre jour. Ce dimanche est un de ces jours comme le Serrère qui vous fait oublier toutes vos galères: la pluie, le vent, la neige, la civilisation. Pour ne profiter que de l'instant présent. Aucuns nuages. Partis. Notre ciel de marge, entre nos deux perturbations. Ciel que nous commençons à connaître et qui là nous offre un superbe spectacle. Nous remontons un val tranquille puis traçons dans la poudreuse une trace magique pour atteindre ce lac, ce col, ces sommets. La descente.

Faible, courte. Mais dans une neige paradisiaque. Les virages se tracent tout seuls. La godille est facile, presque trop. Le bonheur intense. Tout au long de la journée ce sera un jeu entre les cols, les descentes, les remontées. Mettre les peaux. Les enlever. Galérer à remettre à chaque fois nos fixations légères Low Tech remplies de neige. Nous arrivons au refuge de la Restanque sans problème. Ou tout n'est que beau.

Le gardien, ici, est accueillant. Comme son refuge. Nous oublions tous nos déboires. Eric et Gwenola nous quittent: ils préfèrent redescendre par le Val de la Restanque (Val Arties). Direction Arties, en dessous de Salardu. Nous, remplis d'un superbe saucisson, d'un comté et d'une bonne dose de céréales, nous repartons pour passer un col et redescendre sur l'Hospice de Vielha. Que nous avions quitté la veille. Le gardien nous met en garde de l'heure tardive et des possibles avalanches de fonte. Mais déjà un voile de cirrostratus cache le soleil et le froid reprend son activité stabilisatrice du soir. La remontée du val est facile. On arrive en haut sur un lac.

Notre col est un lac. Et c'est superbe. Les crètes du Bessiberri nous appellent. Un jour. Sûrement. Plus tard. Après trois beaux cols, quatre lacs, des vallons et des sommets à faire frémir d'envie nous quittons les Encantats (trop rapidement, dommage, mais le temps déjà là-bas, au sud-ouest s'aggrave).

La descente est trop tard. La neige est lourde et peu agréable. Nous suivons des traces de montée qui zigzaguent entre les barres rocheuses. A mesure que nous descendons, nous sentons l'appel des brouchousses se faire entendre. Ils seront sympathiques cette fois-ci. Comme ne pas nous gâcher le plaisir de la journée. Quelques pas à pied, les skis sur l'épaule et déjà nous sommes au fond de la vallée et par le chemin tout tracé nous rejoignons, aux cris de quelques "Banzai!" et autres "Haaa!" de joie, l'Hospice de Viehla. Là nous attendent mes parents: le rapatriement est assuré pour la maison car les provisions pour la semaine à venir sont mauvaises.

Après une semaine bien remplie en péripéties pyrénéennes, nous revoilà de retour chez nous. Et malgré l'envie de continuer plus forte que tout, je vous assure que la douche (de la semaine!) a été agréable. Aujourd'hui les nuages arrivent. Nous allons guetter une fois de plus l'accalmie météo. Mais quoi qu'il arrive. Que l'Aventure est belle!

A bientôt

Nico et Micka

Accompagnés sur les Encantats d'Yvan, Eric et Gwenola grand merci à eux pour leur compagnie qui a très agréablement "bouleversé" notre beau petit duo

Assistés Haut la Main par Louis Dollo. Encore merci Louis pour toutes tes infos, ta météo, tes trucs et astuces, ton aide, tes encouragements.

Dédicace spéciale à Christophe Lapierre qui devait nous rejoindre samedi soir. On s'est frôlé. Pas vu. Le mauvais temps est arrivé. Une prochaine fois j'espère.

Désolé Christophe.

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