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L’éleveur / berger de montagne est aussi un professionnel de la montagne au même titre, et sans doute avec encore plus de légitimité, que l’accompagnateur en montagne et toutes les professions hivernales des stations de ski. Il est aussi, bien souvent, un «bi-actif» avec une ou deux professions de montagne supplémentaire soit en station l’hiver soit accompagnateur l’été. L’activité pastorale en montagne, l’action de l’homme et de ses bêtes sur le territoire, font du berger le peuple «premier» de la montagne, bien avant que n’apparaisse la société de loisir.

En montagne, il y a les bons et les mauvais jours. Le berger doit tous les accepter. Il doit faire face à tous les intempéries, aux conséquences de l’hiver et de la neige, du vent et des orages. Il connait toutes les catastrophes naturelles: avalanche, pluies torrentielles, mouvements de terrains…. Chaque matin en se levant, il doit s’adapter aux conditions du moment mais aussi aux conditions changeantes dans la journée. Il ne sait pas et ne peut pas savoir ce qu’est le «métro, dodo, boulot, macdo». Il n’a pas d’horaire de travail en dehors du rythme des bêtes, il n’a pas de jours fériés, de week-end ou de vacances.

- Il y a les bons jours.....

Les bons jours, les bons moments du berger peuvent paraître dérisoires pour certains. Il n’empêche que, le plus souvent, il se contente de peu. Laurent ne changeait jamais l’heure de sa montre. La moitié de l’année il était à la bonne heure. L’autre moitié il avait une heure d’avance. Mais seul le rythme de la nature décidait de son emploi du temps.

Les petits moments de plaisir…. Retrouver les amis à l’occasion d’une fête, d’une foire… sans oublier de voir les bêtes le matin et le soir. C’est aussi cuisiner au coin de la cheminée pour partager le repas en famille ou avec des amis. C’est aussi se retrouver chez lui avec son petit musée ou tout simplement accompagner ses bêtes montant à l’estive pour l’été. Pourquoi vouloir que ces hommes qui ne demandent rien à personne changent de vie pour accepter un grand prédateur comme l’ours?

Crédit Photos: Joël Adagas, Jean Sénac, Jean Guyot, Louis Dollo

- Il y a les mauvais jours

"Vous faites un beau métier".... Oui, mai, pas seulement les jours de beau temps comme ces randonneurs qui tiennent régulièrement ce discours. Il y a les mauvais jours, les jours pénibles, durs. Faucher à pied des pentes raides, mettre en place des clôtures, retirer les pierres arrivées dans les prairies avec les avalanches,… Rebrancher l’eau pour alimenter les abreuvoirs après un hiver destructeur.

La grange de Laurent à Transarrious est une de ces granges que l’on observe et admire en sortant de Barèges en direction du col du Tourmalet. Sa particularité est d’avoir un toit en ardoise qui suit le profil de la pente. L’avalanche passe dessus… et forme tremplin. Comme dans les Alpes le refuge de Temple-Ecrins. C’est ce qu’on appelle un «allat». Particulièrement exposée aux risques, comme le faisait les anciens, tous les ans il faut nettoyer "l’adduction d’eau". Un simple canal qui capte l’eau dans un ravin d’avalanche du ruisseau du "Lac det Ca". Il faut attendre la fonte de la neige pour y accéder.

C’était le cas ce 27 mai. Le névé que nous voyons ci-dessous à droite avait fondu. Le canal était dégagé. Il ne restait qu'à un endroit un amoncellement de vieille neige, presque de la glace, en amont du canal sur 50 cm d'épaisseur, 1.50 m de large et peut-être 3 ou 4 mètres de long. L'eau était engagée dans le canal. Laurent, avec ses bottes, marchait de manière stable dans le canal tout en dégageant les derniers cailloux le long de ce névé. Ses camarades étaient hors limite du névé. Il était 15h, le canal était prêt, le travail pratiquement terminé. Témoignage....

"Etant un des deux témoins de l'accident de Laurent le Berger, je tiens à apporter les précisions suivantes: L'accident a eu lieu à 15h00. Nous étions montés pour dégager une prise d'eau (captage) afin que les vaches puissent avoir de l'eau. Nous étions sur de la pierre et du béton et non sur un névé ou pont de neige. C'est un bloc de neige qui s'est détaché et a fait basculer Laurent dans le ravin. N'en déplaise à Little vert, ce berger était bien équipé pour la montagne. Ancien chasseur alpin et connaisseur de la montagne au même titre que certains professionnels. Laurent le Berger n'a pas commis d'imprudence. Il a fait son métier jusqu'au bout, comme son père et son grand-père. Respects à cet homme".

Les gendarmes du PGHM de Pierrefitte-Nestalas immédiatement prévenus et intervenant rapidement avec l’hélicoptère ne pourront que faire le triste constat. On ne reverra plus Laurent sur l’estive de Transarrious et les pentes du Tourmalet et du col d’Aoube. Cette année l’eau ne sera pas branchée. C’est sans doute la fin d’une histoire et d’un quartier. Il était le dernier.

- Ni trou, ni pont de neige, ni avalanche

Contrairement à ce qui a pu être dit dans un premier temps à la suite de l’accident de Laurent le berger il ne s’agit ni d’une rupture de pont de neige ni d’une avalanche.

Nous pourrions donc parler de "décrochement imprévisible d’un névé sur herbe".
Problème: ce n'est pas dans les formulaires statistiques et l'expression est beaucoup moins percutante et médiatique que "avalanche".

Les conséquences de ce type de décrochement est similaire à une petite chute de séracs. Sur pente forte, la victime est entraînée dans la pente avec les blocs pouvant occasionner des écrasements et dans tous les cas des traumatismes multiples. Ce type d’accident est exceptionnel car les conditions du terrain sont le plus souvent hors des itinéraires classiques du printemps et de l’été.

Dans les Pyrénées, une telle situation peut se trouver dans des conditions difficilement appréciables à l'œil nu sur le GR 10 entre La Pierre Saint Martin et Lescun (chemin facile), à la cascade d'Ilhéou dans certaines conditions et à la cascade d'Ossoue en montant à Baysselance selon les conditions d’enneigement et de fonte. Il est également possible de rencontrer ces conditions sur le chemin des Espugues à Gavarnie, entre le col et le refuge des Sarradets (Brèche de Roland), etc…. Rien que des itinéraires faciles sur pentes raides aménagées comme le canal de Laurent ou non aménagées.

Pour qu'il y ait un tel décrochement naturel sans surpoids sur le manteau neigeux il faut qu'il y ait des conditions bien particulières d'humidité du sol et de la neige dure créant un effet «savonnette» ou sur de l’herbe longue, couchée et glissante comme c’est de plus en plus le cas sur des pentes non broutées. L’évaluation à l’œil nu est pratiquement impossible. La sensation de sécurité peut être totale. La preuve: le nettoyage de cette rigole aménagée, bétonnée, se fait depuis des générations au même endroit, à la même période, sans accident.

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