2006 est une année charnière pour la
construction du réseau européen Natura 2000, ensemble
de sites naturels identifiés pour la rareté ou la fragilité
des espèces sauvages, animales ou végétales et
de leurs habitats. Les Etats membres ont finalisé la signalisation
des zones cette année. L'ensemble des sites, qui s'étend
sur 23 % du territoire européen, devra maintenant s'adapter à
de nouveaux objectifs, prévus dans le cadre du règlement
du développement rural 2007-2013.
Comment concilier
développement économique et respect de l'environnement
? Au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro (Brésil) en 1992, les
Nations Unies ont adopté la "Convention pour la conservation
de la biodiversité". Sur le plan européen, cet engagement
s'est traduit par la création de Natura 2000, un réseau
de sites protégés destiné à répondre
à la dégradation continue des milieux naturels et à
la menace de disparition de bon nombre d'espèces sauvages. Cette
démarche marque une rupture avec la tradition française
de protection stricte et figée des espaces et des espèces,
et privilégie une gestion collective des zones à risques
qui tient compte des préoccupations économiques et sociales.
Ce réseau
d'espaces à protéger s'est élaboré à
partir de deux directives : la
directive européenne 92/43/CEE dite "Habitats",
adoptée le 21 mai 1992 par le Conseil des communautés
européennes pour assurer la conservation des habitats naturels
et de la faune et la flore sauvages, qui prévoit la désignation
par chacun des États membres de zones spéciales de conservation
(ZPC). Elle vient compléter une autre directive européenne
79/409/CEE du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages,
qui impliquait la désignation de zones de protection spécialisées
(ZPS). Ces directives ont été transposées dans
le droit français par l'ordonnance du 11 avril 2001.
Une
recension de zones à risque
La signalisation
des zones du réseau Natura 2000, achevée cette année,
a permis aux 25 États membres de l'Union Européenne de
désigner au total plus de 25 000 sites. L'ensemble de ces sites
couvre au total 106,5 millions d'hectares en Europe, dont 93 millions
d'hectares de zones terrestres. Parmi ces territoires, environ un tiers
sont des surfaces agricoles, un tiers des surfaces forestières
et un dernier tiers n'est exploité ni par des agriculteurs ni
par des forestiers (landes, broussailles, milieux humides, milieux côtiers...).
La France, comme l'Allemagne, tient un rôle particulier dans la
constitution de ce réseau. Son territoire est concerné
par quatre des sept régions biogéographiques européennes
(alpine, atlantique, continentale et méditerranéenne),
70 % des 222 types d'habitants naturels d'intérêt communautaire,
64 % des espèces d'oiseaux visées par la directive "Oiseaux"
et 22 % des 632 espèces animales et végétales visées
par la directive "Habitats".
Pourtant, après
avoir été condamnée en 2001 et 2002 par la Cour
Européenne de Justice pour désignation insuffisante de
sites, la France vient tout juste de remplir ses engagements. Le 28
avril 2006, elle a soumis à la Commission européenne 1307
sites d'intérêts communautaires répartis sur 4 887
272 hectares, 367 zones de protection spéciales sur 4 477 962
hectares, soit au total plus de 6 millions d'hectares hors milieux marins,
ce qui représente 11,83 % du territoire métropolitain.
L'étendue des espaces signalés varie considérablement
en fonction des régions : près d'un tiers du Languedoc-Roussillon
ou de la PACA sont concernés par Natura 2000, contre moins de
1 % de l'Ile-de-France ou du Nord-Pas-de-Calais.
Gestion
nationale, financement européen
Pour assurer la
gestion des sites Natura 2000, la France a fait le choix d'un dispositif
contractuel, fondé sur le volontariat. Pour chaque site,
les objectifs de conservation sont définis dans un document d'objectifs
(DOCOB), élaboré par un comité de pilotage.
Ces comités
de pilotages, rendus obligatoires par la loi n° 2005-157 du 23 février
2005 relative au Développement des territoires ruraux (loi DTR),
réunissent l'ensemble des acteurs d'un site au sein d'une instance
de concertation locale. Les décisions adoptées sont mises
en uvre et financées par des contrats Natura 2000 et d'une
charte Natura 2000, signés entre l'État et les propriétaires,
exploitants ou gestionnaires des parcelles contenues dans le site.
Pour 2007-2013,
toutes les mesures de la politique de développement rural, dont
fait partie Natura 2000, sont regroupées au sein d'un règlement
unique. Elles seront financées par un Fond européen agricole
pour le développement rural (FAEDER), adopté par le Conseil
des ministres européens de l'Agriculture le 20 septembre 2005.
Pour chaque pays, un Plan stratégique national va définir
les priorités des États membres en tenant compte des orientations
stratégiques communautaires, adoptées par ce même
Conseil le 20 février 2006.
Le réseau
Natura 2000, malgré les bouleversements qu'il entraîne
sur la gestion du territoire, marque un réel engagement de l'Europe
et des États en faveur de la préservation de la biodiversité.
La recension des sites a permis une meilleure connaissance au niveau
national des territoires et des espèces, et l'implication des
collectivités locales crée un réseau dense et dynamique
de protection de l'environnement. Enfin si Natura 2000 ne nuit pas l'activité
locale, il pourrait même l'améliorer : l'appartenance d'un
site au réseau pourrait faire l'objet d'une valorisation ou d'une
communication spécifique, l'appartenance au réseau Natura
2000 étant considéré comme une sorte de "label"
de qualité environnementale.
Auteur
: Gaëlle Bohé
Source : Novéthic
du 26 juillet 2006