Le Monde des Pyrénées

La liste rouge 2012 de l'UICN serait-elle une nouvelle supercherie?

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En 2009, déjà, Bruno Besche-Commenge, pour l’ADDIP, avait signalé un éditorial de la revue NewScientist lançant un cri d’alarme au sujet de la liste rouge de l’UICN: «Nous avons besoin de connaître toute la vérité à propos des espèces en danger». Il y était précisé: «La liste rouge voudrait être un standard scientifique de haut niveau, un système transparent, en réalité ce n'est pas le cas»
A la suite d’un récent communiqué du Comité français de l’UICN, Bruno Besche Commenge attire, ci-dessous, l’attention sur les ambiguïtés de cette communication qui se veut scientifique et qui apparait, en fait, comme une opération de lobbying en faveur de certaines espèces comme le loup et l’ours qui ne sont pas concernées. Et il conclue: «c’est à une supercherie et une manipulation verbale totalement inacceptables que se livre le Comité français» de l’UICN.

- UICN, liste rouge 2012 des espèces menacées en France: vérité ET manipulation

Le titre du communiqué de presse de l’UICN, qui place la France au 5° rang mondial pour les «espèces menacées», est très ambiguë. Il ne s’agit pas en effet des espèces en général, ni de toutes celles plus ou moins présentes en France, mais comme il est dit ensuite dans le texte: des «espèces animales et végétales menacées au niveau mondial.»
Et cela change tout, en effet ne sont pas concernées les espèces qui, même présentes sur le sol national, ne sont pas par ailleurs menacées de disparition. La manipulation consiste à «oublier» cette dimension mondiale pour glisser en généralisant à toutes les espèces présentes en France quel que soit leur statut mondial.

Cette manipulation est très précisément à l’œuvre dans le liste rouge France à laquelle renvoie le lien à la fin du communiqué: http://www.uicn.fr/Liste-rouge-France.html. Si l’on clique ensuite sur Liste rouge des mammifères de métropole (février 2009), on trouve page 8 l’ours brun en rouge dans la liste nationale (Catégorie CR- danger critique). Mais, dans la colonne «Catégorie Liste rouge mondiale», il est classé LC (Least Concern), c’est à dire dans la catégorie des espèces absolument pas menacées, voir ci-dessous les degrés de cette liste(flèches vertes). De même le loup est- il classé jaune (VU-vulnérable) alors qu’il est LC au niveau mondial:

La liste rouge France n’a rien à voir avec la réalité que mesure l’UICN, et lorsque son Comité français écrit: «Etablie conformément aux critères internationaux de l’UICN, la Liste rouge vise à dresser un bilan objectif du degré de menace pesant sur les espèces à l’échelle du territoire national», c’est à la fois inexact et différent de cette mesure.

- Différent

Parce que toutes les espèces présentes sont prises en compte et non pas celles «menacées au niveau mondial», pour reprendre les termes du communiqué de presse qui dit là très précisément l’inverse de ce que fait en réalité le Comité français de l’UICN.

- Inexact

Parce que les critères ne sont pas tous respectés. En effet le Guide UICN servant de base pour l’établissement des listes rouges nationales demande, page 5, que soit indiquée pour chaque espèce «la proportion (%) de la population mondiale présente dans la région.» Ce qui n’est pas fait et on comprend pourquoi: pour la seule Europe, la population d’ours présente dans les Pyrénées c’est au mieux 0,14% de la population, si l’on ajoute la Russie 0,014%, et au niveau mondial, celui où l’UICN demande de raisonner c’est … inexistant: 0,000…. etc.
De tels % ne représentent strictement rien au point que le Guide envisage même, page 13, que ne soient pas prises en compte «une espèce présente dans la région ou qui a été présente dans la région au siècle précédent et dont l’effectif représente moins de 1% des effectifs de la population mondiale.» L’ours est très en dessous de ce 1%!

En confondant tous les niveaux, à l’encontre même de ce que demande l’UICN, c’est à une supercherie et une manipulation verbale totalement inacceptables que se livre le Comité français. Contre productives aussi: car c’est bien les espèces mondialement menacées qui sur notre territoire devraient être l’objet de tous les efforts et non celles qui ne le sont pas du tout.

B.Besche-Commenge - ASPAP/ADDIP - le 20 août 2012 -MJ le 13 août 2013
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- Voir également:

- Liste rouge 2012 des espèces menacées de l’UICN: la France au 5ème rang mondial

Selon la dernière mise à jour de la Liste rouge de l’UICN publiée aujourd’hui*, la France se situe au 5ème rang des pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces animales et végétales menacées au niveau mondial. Cette situation est principalement due à la très forte biodiversité abritée par les collectivités françaises d’outre-mer.

Avec 983 espèces mondialement menacées présentes sur son territoire, la France a une responsabilité majeure dans la lutte contre l’érosion de la biodiversité qui frappe la planète. Elle se situe au 5ème rang des pays les plus concernés, après l’Equateur, la Malaisie, les USA et l’Indonésie, et devant le Mexique, l’Inde, la Chine, l’Australie et le Brésil. Les principales menaces pesant sur les espèces sont la dégradation des milieux naturels, la surexploitation, l’introduction d’espèces envahissantes, les pollutions et le changement climatique.

Ce sont surtout les collectivités françaises d’outre-mer, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française en tête, qui placent la France dans cette position. Elles sont en effet quasiment toutes situées dans des points chauds de la biodiversité mondiale, c’est-à-dire des régions très riches en espèces mais également très menacées: îles Caraïbes, îles de l’océan Indien, Polynésie-Micronésie, Nouvelle-Calédonie. Ainsi, la Tortue imbriquée est "En danger critique", la Raie manta géante "Vulnérable" et le Dugong, présent à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie, "Vulnérable". Le Pétrel noir de Bourbon et le Monarque de Tahiti sont tous deux "En danger critique". Chez les plantes, plusieurs espèces de pins araucaria endémiques de Nouvelle-Calédonie sont "Vulnérables" ou "En danger", et le Bois de poupart de La Réunion est "En danger critique".

De nombreuses espèces menacées sont aussi présentes en Guyane, comme la Loutre géante "En danger" ou le Singe-araignée noir "Vulnérable", ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises, comme le Gorfou doré "Vulnérable" ou l’Albatros d’Amsterdam "En danger critique".

Au niveau métropolitain, la France est également directement concernée: 215 espèces mondialement menacées y sont recensées. Ce bilan est lié à la grande diversité des habitats naturels prioritaires au niveau européen rencontrés dans l’Hexagone, ainsi qu’à la richesse biologique de la zone méditerranéenne, autre point chaud de la biodiversité mondiale. Là encore, des espèces animales comme l’Esturgeon européen sont "En danger critique", le Vautour percnoptère "En danger", la Cordulie splendide, une grande libellule, "Vulnérable", et le Cachalot "Vulnérable". De même pour des espèces végétales comme la Potentille du Dauphiné "Vulnérable", la Nivéole de Nice "En danger" et la Violette de Rouen "En danger critique".

La France porte ainsi une responsabilité de premier plan aux niveaux mondial et européen pour enrayer l’extinction de la biodiversité. Elle se doit de donner une nouvelle ambition forte à sa politique de préservation des espèces et des écosystèmes, à la hauteur des enjeux présents sur son territoire.

Pour affiner cet inventaire mondial, le Comité français de l’UICN et le Muséum national d’Histoire naturelle coordonnent depuis 2007 l’élaboration de la Liste rouge des espèces menacées en France. Sur le fondement des critères de l’UICN, l’objectif est d’évaluer le risque de disparition de chacune des espèces de notre territoire, en métropole et en outre-mer. Les nombreux groupes déjà évalués confirment le niveau de menace élevé pesant actuellement sur les espèces et permettent d’identifier les priorités d’action pour enrayer leur extinction.

*Communiqué de l’UICN – France du 19 juin 2012

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