A la veille des nouvelles introductions d'ours, le débat se passionne - 2005

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Le titre de la Dépêche du Midi est quelque peu réducteur de la situation. Pour ou contre relève d'une réflexion binaire assez primaire qui ne se réduit pas à ces deux alternatives. Les vraies questions sont de savoir si nous pouvons accueillir, ces ours et si les conditions matérielles et sociologiques le permettent?
Actuellement rien n'est prévu notamment en Pyrénées Centrales: pas de cabanes pour accueillir des bergers, pas de bergers, pas de formation prévue pour en trouver, pas de structures pastorales adaptée pour regrouper les troupeaux, pas de parcs comme il est préconisé, etc... Rien ne permet d'accueillir des ours dans les conditions du plan. Néanmoins, des fous furieux de l'écologie dont le Ministre, veulent passer en force sans aucune acceptation sociale contrairement à toutes les règles de la directive habitats comme de la Convention de Berne.

Néanmoins, on s'étonne que naisse une contestation contre l'ours. Personne ne croit que l'on puisse contester une telle décision... ou si peu....
Curieux comportement!

- Un été à ne pas mettre un ours dehors

Environnement - Pour ou contre la réintroduction de l'ours ? Débat passionné, tentative de rationalisation.....

160 brebis qui se précipitent dans un ravin au début de l'été et une exaspération clairement affirmée dans les vallées d'Orlu et du Vicdessos. Une ministre qui annonce cinq nouvelles réintroductions d'ourses au printemps prochain dans la Haute-Garonne. Un épais dossier de la préfecture de l'Ariège pour la concertation sur le renforcement de la population d'ours bruns dans les Pyrénées. Et, outre tout ceci, à la veille des Automnales de l'ours à Massat (lire ci-contre), des habitants qui prennent la parole, de façon fort citoyenne, pour clamer, avec force arguments, leur opposition ou leur adhésion au projet "Ours".

L'animal, c'est le moins que l'on puisse dire, fait parler de lui, et il était normal que nous ouvrions nos colonnes à ce débat. Loin de nous l'idée de prendre parti. Les journalistes ne sont ni techniciens de l'environnement, ni bergers éleveurs dans les montagnes, ni élus décideurs des politiques à mener. Les journalistes ont pour mission d'être des observateurs et des rapporteurs des événements. Surtout quand le débat, de serein vire à l'affectif, quand il passe du rationnel scientifique à l'émotion pure du moment.

Le dossier de consultation sur les ours dans les Pyrénées qui a fait l'objet d'une réunion avec les élus de la zone montagne en Ariège en mars dernier est consultable dans les mairies, les préfectures et les sous-préfectures. Ils donnent, sous la plume du préfet de région Jan Daubigny tous les arguments qui permettent de justifier les futures réintroductions. De l'autre côté, au printemps, la préfecture de Foix a été le théâtre d'une manifestation remarquée d'éleveurs, agriculteurs et producteurs, contre l'ours, au cours de laquelle Basques, Béarnais, Bigourdans, Commingeois ont rejoint les Ariégeois.

Pendant l'été, les fameux cols pyrénéens traversés par le Tour de France ont été tagués au sol d'inscription anti-ours, que ce soit vers la montée d'Ax 3-Domaines ou dans les vallées d'Ossau ou du Val d'Azun. Lance Armstrong et ses acolytes ont-ils eu le temps de décrypter le message et d'en saisir la signification? Pour l'Américain, dans un pays où les grizzlys sont protégés, il n'y avait peut-être rien d'évident là-dedans. Mais le public du Tour, lui, n'a pas du s'y tromper. D'autant qu'il est composé de touristes pour une bonne part et que l'on sait qu'au nord de la Loire l'ours est plutôt bien perçu.

- L'Ours génère-t-il des retombées économiques?

Car, de la même façon que l'on entend encore les Toulousains être traités de "doryphores" quand ils viennent chercher les cèpes dans les bois du Volvestre ou au col des Marrous, les Parisiens (majoritairement favorables au projet de réintroduction), n'ont pas forcément bonne presse auprès des "locaux" en matière de jugement sur l'espèce. Car, en définitive, toute la question est là: la présence de l'ours apporte-t-elle réellement des retombées économiques dans les départements concernés? Oui, disent les partisans d'un développement "tout tourisme". Non, soutiennent les tenants d'un pastoralisme traditionnel. Allez chercher qui a raison ou qui a tort!

D'autant qu'un autre projet a surgi dans la tête de quelques volontaristes soucieux de défendre le parc régional naturel ariégeois: celui de la réintroduction du bouquetin, disparu voici à peine une paire de décennies et toujours bien portant dans les massifs espagnols. Le bouquetin aussi peut être un emblème. Mais peut-il cohabiter avec l'ours?

Au-delà du devenir des espèces animales, c'est la problématique de l'économie de montagne qui est aujourd'hui posée.

Quand le président du conseil général Augustin Bonrepaux, qui a passé sa jeunesse sur les sommets ariégeois, explique que, autrefois "la montagne était exploitée par l'agriculture, l'ours demeurait sur les hauteurs, dans les bois et les forêts, aujourd'hui, avec des espaces laissés en friche, l'ours descend de plus en plus bas et donc se rapproche des villages et des populations avec les risques que cela peut engendrer pour les habitants", ce n'est plus le politique qui parle, mais le scientifique qui raisonne.

D'autres expliquent encore qu'en Slovénie (d'où viennent les ours réintroduits) les animaux sont parqués et nourris et non livrés à eux-mêmes. Ou que, contrairement aux Pyrénéens herbivores, les Slovènes sont carnivores. Bref, chacun a son point de vue.

Le débat est ouvert une nouvelle fois. Alors que les ours vont entrer en hibernation, la parole, elle, devrait se réveiller.

Auteur: Jean-Christophe Thomas

- Témoignages

- Rencontre à 2.400m

Jean-Claude Teulière est un passionné de montagne, de chasse et de pêche à la truite. Ariégeois authentique, il vit ses passions pleinement, partant de nuit de Junac pour rejoindre le lieu de stationnement de son véhicule, désert à cette heure, afin de crapahuter avec son chien vers ce lac où il pourra en toute quiétude dès le lever du jour s'adonner à sa passion.

La montagne, il la connaît et partage avec elle quelques secrets de la nature. Sur ses pentes, chaque jour est différent, la surprise est au bout du chemin, après l'effort. C'est pour cela qu'il râle, sourire aux lèvres néanmoins, quand il voit ces constructions que l'on réalise pour héberger les aventuriers de deux jours, alors que découvrir la montagne sac à dos et tente de camping à porter, ouvre d'autres horizons. Si le slogan clame que la montagne ça vous gagne, lui estime que la montagne, ça se gagne.

- "Rasta" le patou et ses ouailles

Ce jour-là, l'objectif est le lac du Lassies, à 2 400 m. Parti de nuit, il pense à ces farios quand, face au port de Siguer, l'ours a surgi juste en face. Sa première question fut que fait-il si haut?
A 2.400 m?
Juste un peu d'herbe rase, aucun lieu pour se cacher, que l'on soit ours ou homme. Pourtant, Jean-Claude trouve un rocher derrière lequel se tapir. Et observe une scène bien étrange. L'ours se dirige paisiblement vers un petit troupeau de brebis mais trois patou montent la garde empêchant l'intrus de s'approcher du cheptel. Pas de combat physique. Juste un coup de collier du plantigrade pour une charge vers les chiens, mais au pas, une force tranquille. Ce que Jean-Claude qualifie de scène pacifique, qui dure environ quatre minutes. Il y a l'ours, les chiens et les moutons, qui ne semblent pas concernés par l'enjeu de cette rencontre. Les chiens aboient, même bien après le départ de l'ours. Deux patous restent avec le troupeau, au bord de l'étang, le troisième suit l'ours à la trace en aboyant. Sans témoin cette scène ne pourrait pas être connue or il est important aux yeux de Jean-Claude que l'on sache que les chiens ont protégé le troupeau, restant proche de lui tout le temps sur une petite hauteur dominant les lieux.

Jean-Claude: "l'ours ne m'a ni vu ni senti, ni moi ni mon chien. Sans les patouS le troupeau aurait subi des dégâts car je n'aurais rien pu faire3. Une histoire vécue et racontée par un montagnard, car l'ours ne se vantera pas cette fois-ci. Les patouS, ces gros chiens blancs des Pyrénées qui quand on approche du troupeau aboient, il suffit de passer son chemin comme l'ours et ils reprennent leur poste de gardien.

De notre correspondant C.P.

- L'ours et les autres...

"Je vous le dis d'entrée, j'ai été très touché par la mort de plus de 160 brebis dans l'Aston. Lorsque l'ours, les chiens errants ou la foudre "emportent" les moutons, je pense naturellement, humainement, avec sympathie au berger.

J'élève pour le plaisir - sans les tuer - quelques canards, lapins et poules. Et lorsque le renard ou la buse les tuent, cela m'attriste. Je suis touché dans mon âme d'éleveur.

Alors que faire? Nous avons tous un attrait enfantin pour nounours. Et ce redoutable prédateur fait aussi partie du patrimoine animalier pyrénéen. Il est en haut de la pyramide de la biodiversité. Mais il rentre violemment en conflit avec le pastoralisme d'hier et celui d'aujourd'hui. Il y a de longues années, une vingtaine, avec un forestier humaniste de talent, Lajournade, nous évoquions ces problèmes. Et nous pensions à un zonage. Dans un premier temps, on réintroduit des ours, dix? Dans une zone de fond de vallée, fermée, sans élevage, mais accessible aux promeneurs avertis (une cinquantaine d'hectares). On laisse ensuite sortir les petits en les "cantonnant" et en les nourrissant dans des espaces ouverts mais contrôlés, géographiquement limités et sécurisés. C'est une expérience sur 1.000 à 5.000ha. On peut ensuite avec la réflexion de tous la poursuivre, l'améliorer. Une petite vallée aux ours en semi-liberté, une vallée aux ours contrôlés, puis une zone à ours cantonnés. La réintroduction a été brutale et si elle est une réussite relative elle entraîne beaucoup de dégâts "collatéraux". Le pastoralisme est en difficulté; en régression ici, en réorganisation dans certains points, ne l'assassinons pas. Je sais bien qu'ailleurs dans le monde les choses se passent mieux, dit-on. Il faut sans doute ici plus de patience, plus de compromis, plus de sagesse. Et les autres. Bien des animaux ont disparu: bouquetins, bisons, écrevisses... Il faut aussi les réintroduire. Ils font partie du patrimoine. Tout ceci n'est que le début de l'amorce d'un nouveau et vaste débat, d'une alternative me semble-t-il crédible qui doit être nécessairement partagée.

Par ailleurs, notre civilisation est en pleine mutation et le climat change vite. Le retournement de tendance de civilisation va peut-être bientôt donner une nouvelle chance à la montagne.

Le désert gagne l'Andalousie. Les fronts pionniers de demain seront peut-être à nouveau vers les hauteurs pyrénéennes, plus humides, plus fraîches. On va se rapprocher du château d'eau montagnard. Les estives, avec leur grande richesse végétale, trifolium alpinum, festuka... seront revalorisées. Une transhumance de qualité dans une économie "durable" a sans doute un bel avenir pour la production labellisée, pour la vie des vallées, pour l'image "del païs".

Au moment où le parc naturel régional rentre dans la phase de la charte, il serait sans doute utile et bon que ces aspects soient mis en avant ou au moins débattus en son sein, voire dans d'autres instances.

Par ailleurs, et vous le savez, les animaux ignorent les frontières et ils peuvent sans doute être le lien vivant du futur parc des trois nations...

Auteur : M. S.

- L'autre façon de le dire

Pour la première fois, depuis la réintroduction des ours slovènes dans les Pyrénées, des inscriptions anti-ours sont apparues dans la vallée d'Ustou. Des panneaux, accrochés aux poteaux téléphoniques et un tag peint sur le rocher situé à la bifurcation Guzet/Cirque de Cagateille, rappellent que la présence de l'ours n'a pas la même signification pour tous. D'après les sondages, la réintroduction de l'ours apparaît sympathique, voir exotique aux citadins (l'été dernier des vacanciers avaient croisé un jeune ours au port d'Aula et en gardent un souvenir heureux et inaltérable) il n'en est pas de même pour les agriculteurs de montagne qui crient à la mort de leur activité. Fin juin dans les environs d'Aston, 162 brebis ont péri, effrayées par la présence ursine. A Ustou, commune-vallée qui a su conserver son côté nature, sauvage et tranquille, combien de mort de brebis sont à imputer à l'ours? Alors de qui émane ces protestations? Plaisanteries de potaches en mal d'activités ou cri de colère d'éleveurs d'ici ou d'ailleurs? Quoi qu'il en soit la démocratie est garante de l'expression du citoyen... même si les panneaux de contestations ont rapidement été décrochés de leur support.

Auteur: M. de.T
Source: La Dépêche du Midi du 29 septembre 2005