Le Monde des Pyrénées

Ours - 1998: Le maire de Melles mécontent

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Contrairement aux discours politiquement corrects et à une certaine propagande écolo-protectrice, l'introduction (appelée pudiquement ré-introduction) d'ours de souche slovène ne s'est pas faite sans problème. La réaction du maire de Melles quelques années après est assez significative d'un malaise qui n'ira qu'en s'amplifiant au cours des années et qui confirme le fait que personne n'était prêt à une telle opération.

- Réintroduction de l'ours: On va droit dans le mur!

Le très médiatique maire de Melles est visiblement mécontent de la façon dont se déroule la réintroduction de l'ours dans les Pyrénées centrales et il le fait savoir.

Travail de l'équipe de suivi, manque de volonté de l'administration et des élus locaux... pour André Rigoni si on continue dans cette voie, on va droit dans le mur.

- Vous prétendez que la tentative de recapture de «Ziva» se serait très mal passée: pourquoi?

La recapture de «Ziva» était très difficile. Celle-ci était suivie par deux oursons et il était prévisible qu'en voulant recapturer la mère on avait de grandes chances d'attraper un de ses rejetons, c'est ce qui s'est produit. Le signal d'alarme censé prévenir l'équipe de suivi espagnole ne s'est pas déclenché et l'ourson pris au piège a passé un nombre d'heures important, peut être vingt-quatre heures avant d'être délivré.

Ce n'est pas tout, une fois anesthésié, on a voulu lui mettre un collier qui était semble-t-il prévu pour la mère. Ça n'allait pas et ce collier a dû être trafiqué avec des morceaux de fils de fer. C'est aberrant. A mon avis, on va vers un véritable gâchis d'autant qu'on est sans nouvelles fiables des oursons de «Melba». Au mois de juin dernier, nous avions huit ours sur le massif, je serais curieux de savoir combien il en reste actuellement.

- A propos du collier de l'ourson, qui vous a donné les informations?

Je ne veux pas citer de nom mais je tiens ces renseignements d'une source très autorisée à l'Office national de la chasse, sinon je ne me permettrais pas de les annoncer publiquement.

- Vous dénoncez également le comportement de l'équipe de suivie et plus largement de la DIREN dans cette opération.

Je constate que nous avions des objectifs bien précis quand nous nous sommes lancés dans cette opération: c'était l'ours pour les habitants de ces vallées et avec les habitants de ces vallées. On n'a pas réintroduit des ours pour faire plaisir à une équipe de techniciens qui s'amusent avec, qui jouent les apprentis sorciers des deux côtés de la frontière. Actuellement, on attrape les ours, on leur met des colliers qui ne tiennent pas, en plus on perd la trace des animaux, c'est vraiment incohérent.

Je ne veux pas être trop critique à l'égard de l'équipe de suivi qui a fait de l'excellent travail par ailleurs, mais on sait que dans ces vallées, les éleveurs sont très réticents au sujet de la réintroduction. On leur met dans les pattes des bergers itinérants dont ils ne veulent pas. Pourquoi aller contre leur volonté? Certains éleveurs, n'ont pas encore été indemnisés pour les brebis égarées l'an passé alors que les documents indiquent que le doute doit leur bénéficier et que dans certaines circonstances les brebis égarées doivent être prises en compte.

- Vous évoquez aussi un manque notoire d'informations.

Ecoutez, il y a pour le moins de la rétention d'informations. L'ADET a appris par la presse la capture de l'ourson. Les renseignements nous les tenons par la bande. Ça ne peut pas durer. Avant, nous avions une information journalière exigée par l'ancien sous-préfet de Saint-Gaudens. Maintenant, c'est une information hebdomadaire et elle est incomplète. Où veulent en venir ces gens-là, s'ils souhaitent que le projet capote, qu'ils le disent carrément mais j'ai l'impression qu'ils font tout pour que ça se fiche en l'air.

- Pourtant le bilan de cette opération doit être faite cette année.

De façon arbitraire on a décidé «trois ans, trois ours». La charte ne stipule pas cela. Il y avait bien une réintroduction expérimentale de trois ours mais il n'a pas été question de faire des bilans au bout de trois ans. C'est l'administration qui l'a décrété. A l'automne dernier on nous avait annoncé un bilan pour le mois de juin et j'apprends maintenant qu'il se fera en fin d'année.

- Le parc de vision vous paraît-il en bonne voie?

Je n'en entends plus parler. Le vicomte de la Panouse s'étonne que ça n'aille pas plus vite. Est-ce qu'il se fera? Je suis d'autant plus sceptique que de nouveaux parcs animaliers voient actuellement le jour. Nous étions les premiers sur les rangs et nous allons nous faire griller. C'est dommage car le seul élément positif de développement économique que nous aurions pu mettre en place.

- Comment voyez-vous l'avenir du projet de réintroduction?

Je crois qu'il est bien mal barré, mal géré, mal managé. A mon niveau, j'ai fait le maximum mais il aurait fallu que d'autres élus de ces vallées prennent le relais et se joignent à nous, ce qui n'a pas été le cas. Du côté des élus comme de l'administration, je pense qu'il n'y a plus rien à attendre. A mon sens, le salut ne peut venir que de l'opinion publique. Il faut lancer une vaste souscription à l'échelle nationale pour que nous reprenions tout ça en mains et que nous pilotions le projet de A à Z. L'ours fait parti du patrimoine national au même titre que la tour Eiffel ou le musée du Louvre.

- Ne pensez-vous pas que vos détracteurs vont vous taxer de vouloir faire un coup de pub parce que vous n'êtes plus à la tête de l'ADET?

C'est possible, mais si je ne suis plus à la tête de l'ADET, c'est parce que j'ai laissé ma place et que celle-ci avait perdu tous ses moyens financiers. J'ai 66 ans et je ne cherche pas à faire de coup politique. Maintenant, il faut que les élus commingeois se rencontrent, qu'ils discutent de cette opération et si la grande majorité d'entre eux est hostile à la réintroduction de l'ours, qu'ils le disent ouvertement mais qu'on ne continue pas comme cela en entretenant de faux espoirs y compris avec le parc animalier.

Auteur: Alain Puente
Source: article du 30 avril 1998 paru dans La Dépêche du Midi