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Le "sport-nature", c'est quoi? C'est une question que je me pose lorsque j'observe les dérives de ces pratiques par rapport à ce que nous avons vécu il y a quelques décennies, une époque ou le terme n'existait pas (1).
APPN (Activité Physique de Pleine Nature) aujourd'hui remplacé par "activité physiques de nature" pour être repris sous un terme plus commercial, plus marketing comme "sport-nature".

Mais autour de ces termes, se poses plusieurs questions essentielles telles que:

- Base de réflexion

1/ Qu'est-ce que la nature? (du latin "natura")
C'est un milieu pouvant être physiquement existant sans l'homme. C'est un milieu et un habitat dans lequel peuvent s'épanouir des espèces animales et végétales sans intervention humaine.
Pour éviter un procès d'intention, je précise que je dis bien "PEUT.... sans intervention humaine" et non pas "DOIT.....". Ce qui signifie que le milieu naturel peut exister avec une intervention humaine mais cette intervention n'est pas indispensable à son existence contrairement à un milieu urbain qui n'existe que par et grâce à une intervention et une présence humaine.

2/ Qu'est-ce que les personnes peuvent aller chercher dans la nature?
Les motivations peuvent être diverses selon les individus, leurs origines, leur mode de vie, leurs centres d'intérêts, etc... Ca peut être, comme à l'origine des temps la cueillette ou la chasse pour vivre (usage et consommation des espèces végétales et animales existantes sans intervention humaine), la découverte, l'observation, le dépaysement par rapport à un milieu urbain totalement fabriqué par l'homme, un retour à ses origines, l'air pur, la détente, l'évasion, le sentiment de liberté et d'absence de contraintes, etc....
Ce que l'humain va chercher ne peut pas être prédéfini et est difficilement inventoriable. Tout dépend de sa culture, de son vécu, de son ressenti, de son affectif personnel à un instant "T". Personne ne peut penser à sa place. C'est à chacun de le définir et de se définir. Il n'existe pas de schéma et c'est là qu'une intervention humaine sur le milieu naturel peut avoir des conséquences. Voir point 4

3/ Qu'est-ce que le sport de nature apporte à l'humain?
Il faudrait définir le mot "sport" en revenant à son origine du vieux français "desport" qui signifiait "amusement". Si l'on admet que le sport est un ensemble d'activités et exercices physiques qui s'expriment sous la forme de jeux individuels et collectifs, est ce que le terme de "sport nature" est correctement utilisé?
Ne devrions-nous pas parler, plus précisément d'activités physiques en milieu naturel pour être plus proche des points 1 et 2?
La randonnée pure (et bien d'autres activités) est-elle un jeu ou une simple activité physique dans un milieu déterminé?
Par contre la descente de canyons peut être un jeu tout comme le VTT (pas forcément d'ailleurs), l'alpinisme, l'escalade sur SNE.

4/ Conséquences des interventions humaines sur le milieu naturel liées aux pratiques de sport nature.
De tout temps, au moins en France, l'homme est intervenu sur le milieu naturel. Il a créé un milieu urbain, des voies de communication, des lieux de culture (agriculture) et d'élevage lorsqu'il a quitté l'ère de la cueillette et de la chasse de subsistance. Il est rare, aujourd'hui, de trouver des lieux naturels sans que l'homme ne soit intervenu à un moment donné.
En fonction de ce que l'homme recherche dans ce milieu naturel, sa transformation, sa modification et son aménagement peuvent avoir des conséquences sur son utilisation. Par exemple, un chemin de terre qui servait au VTT, au footing et à la randonnée équestre, une fois transformé en voie verte selon les normes AFNOR en vigueur avec toutes ses règles et contraintes d'utilisation peut ne plus correspondre au ressenti et aux besoins de certains usagers traditionnels du milieu. Par contre, sa transformation peut en amener d'autres y recherchant des sensations différentes.
C'est à ce type de transformation qu'il faut faire très attention pour ne pas sombrer dans un développement d'équipements dit abusivement de "sport nature" pour en faire un milieu de type urbain ou de périphérie urbaine.
C'est aussi là qu'il y a rencontre ou dualité entre activité urbaine et "nature"

5/ Les dangers de l'urbanisation et de l'aménagement des milieux de "sport nature"
Aménager un milieu pour la pratique d'une activité physique c'est contribuer en grande partie à son aseptisation. L'exemple des voies vertes françaises et belges est édifiant. Des normes de fabrication et des règles d'usage sont clairement établies. Mais quel lien avec la nature définie plus haut? C'est comme un lotissement ou un stade au milieu de la campagne. Mais est-ce mieux qu'une cité au milieu d'une ville. C'est donc bien, le plus souvent, un schéma urbain posé au milieu de la nature.
Mais tous les aménagements sont-ils adaptables à toutes les pratiques et tous les milieux?
Le ski a évolué, depuis le début du XXème siècle d'une pratique en milieu naturel souvent sauvage, sans équipement, vers des stations avec un domaine délimité et pratiquement aseptisé en terme de danger objectif. Est-ce que toutes les pratiques de montagne doivent suivre cet exemple et est-ce que toutes ces pratiques ne devraient se faire que dans des "stades nature" aménagés: randonnée, VTT, alpinisme, canyon, ski de montagne, etc... et l'escalade en SNE?
Qui doit en décider? Un maire, un cabinet d'études, une administration, des technocrates, les fédérations sportives ou les usagers eux-mêmes?
Le danger est également l'exemple fourni actuellement par ces pratiques en milieu "aseptisé" (ou presque) à des personnes se lançant dans un véritable milieu naturel tel que la montagne. Certains randonneurs ne comprennent pas que des passages ne soient pas équipés, aménagés et accessibles à tous sans rien connaître à aucune technique de l'alpinisme (2) pourtant indispensable. Certains vont même jusqu'à s'étonner de la présence de neige en avril sur un passage du Chemin de Compostelle ou d'autres de la fermeture d'un refuge à l'automne et encore mieux de la présence d'un berger dans une cabane pastorale, ce qui perturbe la quiétude des lieux qu'on lui avait décrit autrement... ou la surprise d'orages au passage d'un col (pas prévu dans le topo) alors qu'ils n'en ont pas eu sur les bords du canal du Midi ou encore la présence de bouses de vache glissantes sur un chemin de montagne un jour de transhumance ou l'existence de mouches tout comme l'incompréhension de constater que le téléphone ne marche pas et qu'il n'y a pas de robinet d'eau potable à chaque cabane ou des toilettes aménagées (3).
Toutes ces présentations artificielles du milieu naturel sont de nature à perturber un comportement et à solliciter des équipements pour reproduire la sécurité et le confort d'un milieu urbain.
Il y a donc un double danger:

A/ envoyer au "casse gueule" des personnes qui se croient habituées au "sport nature" sans être informées de ce qu'est véritablement le milieu naturel.
B/ aménager sans discernement le milieu naturel pour sécuriser et en définitive reproduire à la campagne un milieu urbain.

Ne faudra-t-il pas trouver un autre équilibre en tenant compte du souhait:

A/ des usagers eux-mêmes, soit directement soit par l'intermédiaire de structures représentatives;
B/ des habitants permanents de ces milieux;

Plutôt que de laisser tout reposer sur la réflexion individuelle d'un cabinet d'études ou d'une structure administrative plus ou moins bureaucratique?
Mais ne faudra-t-il pas aussi informer et former les publics urbains de ce qu'est un véritable milieu naturel, à moins que l'option soit prise d'éliminer ce que nous appelons le "wilderness"?

A ces dangers structurels, vient s'ajouter un autre danger beaucoup plus sournois qu'est celui pudiquement nommé "organisation de l'activité" et qui se concrétise par un ensemble de textes législatifs et réglementaires pour "encadrer" l'évolution des dites activités. Un grand nombre de technocrates et bureaucrates sont culturellement incapables de raisonner, réfléchir, évoluer, proposer et organiser sans une série de textes qui indiquent la bonne parole et la bonne voie. Par ailleurs, il existe, par nature, un certain nombre d'activités et d'individus qui ont horreur de ce genre d'encadrement. Vouloir imposer des règles ou trop de règles peuvent tuer l'activité au profit d'une autre d'un genre nouveau et peut-être plus osé.
A titre d'exemple, nous pouvons citer l'évolution du ski alpin vers le hors piste, le surf hors piste, le free ride....
A quand d'autres évolutions pour échapper à un encadrement (4)?

Ce sont d'autres questions!

6/ les contraintes liées à la pratique des "sport-nature"
Si nous acceptons l'idée que les "sports-nature" se pratiquent dans un milieu naturel il faudra accepter l'idée que la nature a ses contraintes qui ne tiennent aucun compte du caractère et des caprices de l'homme.
Si nous acceptons l'idée que les "sports-nature" peuvent se pratiquer dans certains cas en milieu urbain (5), il faudra savoir informer et prévenir les pratiquants des contraintes du milieu naturel qu'ils ne connaissent pas.
Quelles sont ces contraintes?

En guise de conclusion(6)
Ce type de débat n'est pas prêt d'être clos. Il sera permanent et évoluera dans le temps. Je n'ai pas la prétention d'avoir vu tous les aspects de la problématique. Je n'ai fait qu'apporter quelques éléments de réflexion qui resteront à compléter. La discussion est donc largement ouverte et accessible sur ce forum:
Néanmoins, il me semble qu'il serait dommageable de vouloir transformer la nature en stade et transposer les stades dans un milieu naturel. Il est tout aussi dommageable que certaines collectivités voient dans les sports-nature un seul élément de développement économique et touristique. A vouloir trop en faire, nous tuerons la poule aux oeufs d'or et nous aurons un ensemble de structures devenues obsolètes ou sans suivi d'entretien.

A suivre....

Louis Dollo - Le 6 septembre 2004

- A lire également... (liens en préparation)

- Notes

(1) Beaucoup d'activités dites de "sport-nature" existent depuis longtemps et n'ont pas attendu d'aménagements pour exister, se développer et évoluer. Nous pouvons citer la randonnée équestre, la randonnée en montagne ou ailleurs, l'escalade, la descente de canyon, la raquette à neige, etc... Certaines ont même régressé comme l'alpinisme, le ski de montagne....

(2) Des exemples peuvent être donnés dans les Pyrénées tel que descente du col du Cylindre, passage du col des Isards, voie normale de l'Ossau, équipement et balisage des Rochers Blancs à Gavarnie, l'échelle des Sarradets, le col de la Munia décrit dans un topo, etc....

(3) Il s'agit d'exemples vécus et non d'histoires racontées. Il est parfois regrettable que l'expérience vécue ne soit pas plus pris en considération dans de nombreux domaines dont celui des sports-nature.

(4) Il suffit de parcourir de nombreux forums et listes de dialogue sur Internet pour se rendre compte du rejet d'un certain nombre de personnes vis à vis des dispositions structurantes prises par les pouvoirs publics et certaines fédérations sportives. Rejet également à l'égard des structures fédérales plus orientées vers la compétitions réglementée que vers le sport de loisir.

(5) Cette idée m'apparaît pour le moins surprenante pour ne pas dire incongrue mais elle semble développée par certaines personnes en manque de nature.

(6) La conclusion ne sera jamais définitive. Ce texte est également appelé à évoluer en même temps que le débat d'idées et peut être enrichi d'expériences personnelles. Ce texte n'est qu'une base et une aide à la réflexion.