Somport: les échos d'une inauguration

Logo Facebook
Vous êtes ici: Accueil > Environnement-Pyrenees > France > Pyrenees-Atlantiques > Somport > Somport-echos-Inauguration

Rumeurs, prises de positions, revendications, manifestations, boycott... ce tunnel n'en fini pas de créer la discorde pour peu de choses.
Nous essayons de reprendre tous les éléments à travers la presse nationale et régionale.

- Le tunnel voit le bout

"Il est fini, enfin ", soupire un homme d'affaires béarnais. Il aura fallu quinze ans pour que le tunnel franco-espagnol du Somport qui relie Pau à Saragosse puisse être inauguré, le 17 janvier. Cette percée des Pyrénées aura été le chantier cauchemar des ministres des Transports depuis sa conception, en 1987. Les ennuis ont commencé avec le combat écologiste mené par Eric Petetin. Puis l'incendie du tunnel du Mont-Blanc, en 1999, retarda l'ouverture de trois ans.

Coût pour la France: 80,5 millions d'euros.
Le tunnel routier, le troisième en France par sa longueur - 8.600 mètres, était né des résolutions d'aménagement du territoire qui avaient précédé l'entrée de l'Espagne dans l'Europe. Finalement, l'axe sera très modeste. Le trafic - 150 camions par jour au col du Somport - ne devrait pas s'accroître.

Le grand projet est resté au milieu du gué

Auteur: Domitille Arrivet
Source: Le Point du 17/01/03 - N°1583 - Page 16

- Inauguration sur fond de grogne

- Les maires de la vallée vont boycotter aujourd'hui la cérémonie présidée par Gilles de Robien, ministre de l'équipement

Aujourd'hui, l'inauguration du tunnel du Somport par les ministres de l'équipement français et espagnol, pourtant attendue depuis treize ans quand les présidents de la région Aquitaine et de la communauté d'Aragon s'étaient mis d'accord sur son principe , ne sera pas une fête. Elle laissera même un goût amer aussi bien à ses promoteurs qu'à ses adversaires.
En effet, alors que l'Espagne a été capable depuis plusieurs années d'achever une route digne de cet équipement, sans la transformer en autoroute, la France n'a pas réussi à sécuriser l'itinéraire du versant nord.
Seuls 20 des 46 kilomètres entre Oloron et l'entrée du tunnel sont en effet aux normes. Pour le reste, des points noirs particulièrement dangereux subsistent, alors que les études prévoient que le trafic de poids lourds pourrait y tripler en dix ans.
Les travaux dans la vallée ont finalement avancé beaucoup moins vite que ceux du tunnel, dont le percement était achevé dès 1997. L'ouvrage aurait pu être ouvert en 1999 si la catastrophe du Mont-Blanc n'avait entraîné un renforcement draconien des normes de sécurité. La mise en place de nouveaux aménagements a demandé trois ans supplémentaires.

- Subventions européennes.

La plus grande partie du tunnel est située en Espagne, qui a pris en charge 160 millions d'euros sur les 255 ME qu'a coûté l'ouvrage. Ce n'est pas que l'Espagne soit plus riche que la France, mais ses élus étaient unanimes en faveur du tunnel, sans aucune opposition. L'Espagne a de plus bénéficié d'un financement européen à hauteur de 50 % des travaux, puisqu'elle est située dans la zone de la "politique de cohésion". La France devait se contenter de 15 % de subventions. Par ailleurs, l'Espagne avait également reçu des aides pour l'ensemble de son réseau routier, y compris l'accès au tunnel, puiqu'il s'agissait d'un itinéraire "européen".
Enfin, autant il était facile de creuser sous la montagne, autant il s'est révélé ardu de faire face aux opposants côté français, qui ont usé de tous les moyens pour retarder les travaux: manifestations, achats de milliers de microparcelles pour retarder les expropriations. Et la volonté politique manquait sans doute de cohésion, malgré les engagements internationaux.
Au contrat de plan Etat-région 2000-2006, 40 ME ont été inscrits pour l'aménagement des principaux points noirs (Forges-d'Abel, Bedous, Asasp et Gurmençon), ce qui ne représenterait toutefois qu'une faible partie du chantier restant.
Pau-Canfranc. Pour parfaire le sentiment d'inachevé et d'amertume pour beaucoup, la réouverture de la voie ferrée parallèle, inscrite également au contrat de plan, fait toujours figure de serpent de mer, alors qu'elle aurait pu affirmer la volonté de ne pas s'en remettre au seul trafic des poids lourds pour le fret. Les devis se succèdent, toujours à la hausse, et aucun horizon n'est donné pour sa mise en chantier, alors que la perspective d'une remise en service avait permis de rallier quelques opposants au tunnel routier.

Auteur: Jean-Pierre Deroudille
Source: Sud Ouest du 16 janvier 2003

- Les maires boudent l'inauguration

- Aucun des maires de la vallée d'Aspe ne participera à l'inauguration du tunnel a déclaré mercredi, à Jaca, le député UDF Jean Lassalle, devant la presse espagnole

"Ce qui va se passer vendredi est indigne de mon pays". Ainsi s'est exprimé, en espagnol dans le texte, le député UDF Jean Lassalle, mercredi, devant un parterre de journalistes ibériques à Jaca. Dans le Palais des congrès de la cité aragonaise, le maire de Lourdios-Ichère était accompagné de ses homologues de Sarrance, de Lees-Athas et d'Aydius pour bien montrer toute la détermination qui anime les élus aspois (1).
Cet après-midi, aucun des treize maires de la vallée n'honorera la cérémonie d'inauguration de sa présence. "Il fallait montrer notre solidarité sans pour autant renier ce à quoi nous croyons. Ce tunnel ne se serait jamais fait si je n'avais pas été là. Mais en l'état, rien n'est prêt pour son ouverture", se désole Jean Lassalle, lequel ne participera à aucune manifestation. Douze des treize maires resteront entre eux à la mairie d'Accous, chef-lieu de canton, de 13 h 30 à 17 h 30. Seul Jean-Bernard Le Mouroux, maire d'Urdos qui avait pris ses dispositions depuis longtemps, demeurera au milieu de ses administrés en colère.

- "Pas des concierges".

"Nous sommes des maires, pas des concierges. Nous ne sommes pas là pour compter les voitures. Et franchement, je nous voyais mal battre le pavé avec notre écharpe tricolore". Bien que le ministre des transports ait annoncé son souhait de rencontrer les frondeurs dans les trois quarts d'heure précédent l'inauguration, Jean Lassalle ne croisera pas son ami Gilles de Robien. "J'en suis profondément désolé, mais je ne pouvais pas faire autrement".
Le choix de Jaca, pour affirmer son opposition à une inauguration qu'il pensait ajournable, n'est pas innocent. Le député aspois a toujours entretenu des relations privilégiées avec les maires de cette région, interlocutrice habituelle. Sans compter sur la dimension politique qu'entendait donner Jean Lassalle à son message. Toute la presse espagnole, radios et télévisions comprises était présente.
"Je ne suis ni désabusé, ni amer. Je suis simplement triste. Triste à cause de la faiblesse et de la frilosité de la France, qui semble se noyer dans un verre d'eau. Ce pays est crispé alors que l'Espagne fait preuve d'un enthousiasme incomparable". Cette morosité qu'évoque Jean Lassalle s'illustre par le relatif manque d'envergure de la délégation appelée à couper le cordon aujourd'hui.

- "Construire sur du solide".

"Il aurait fallu attendre que tout soit aménagé correctement côté français. La fête avec nos amis, nos frères espagnols aurait ainsi été totale. J'ai encore l'espoir d'organiser nous-mêmes une autre inauguration, celle du peuple d'en bas. Si le roi et le président de la République venaient, ce serait tant mieux. Mais au moins ce serait un vrai événement".
C'est ainsi pour éviter tout malentendu que Jean Lassalle avait organisé cette conférence de presse de l'autre côté du Somport. "Je veux construire sur du solide et je suis déterminé. Par cette action solennelle nous souhaitons faire accélérer les choses, provoquer le début d'une prise de conscience nationale".
Aucun élu directement concerné présent à l'inauguration constitue en effet un signal fort. "Je sais que ce que je fais est très mal perçu chez mes confrères parlementaires et au niveau du gouvernement. Mais qu'importe!"

(1) Jean Lassalle était accompagné de Jean-Pierre Chourrout-Pourtalet, maire de Sarrance, Pierre Moulia, maire de Lees-Athas, Bertrand Bourguinat, maire d'Aydius, ainsi que de Jacques Pedehontaa, conseiller général de Navarrenx et maire de Laàs.

Auteur: Pierre-Yves Crochet
Source: Sud Ouest du 17 janvier 2003

- Au bout du tunnel du Somport, la vallée désabusée

- Après quinze ans de conflit, l'inauguration a lieu aujourd'hui. Et ne satisfait aucun des deux camps...

"Les camions continueront de passer par le Pays basque pour se rendre en Espagne..." (La chambre de commerce de Pau)
Col du Somport, morne montagne. On attendait Juan Carlos et Jacques Chirac. Ce sont les ministres Francisco Alvarez Casco et Gilles de Robien qui arrivent. Le député UDF du lieu, Jean Lassalle, sera lui-même occupé à autre chose. Il n'est "pas prévu" non plus que le Béarnais François Bayrou fasse le déplacement. Et les treize maires de la vallée d'Aspe ont fait connaître mercredi soir leur "refus" de rencontrer le ministre français des Transports. Il y a des cérémonies plus fastueuses. L'inauguration, cet après-midi, du tunnel du Somport entre Pau et Canfranc en Espagne aura au moins mis d'accord les partisans et les opposants de l'ouvrage: ils sont tous terriblement déçus.

- Route manquante.

L'ouverture du site après quinze ans de "combat" est vécue comme "un échec" par les écologistes du comité anti-Somport. "Ce tunnel est absolument magnifique, s'enthousiasment au contraire les partisans de l'ouvrage derrière Jean Lassalle. Mais il ne sert à rien." L'aménagement complet de la RN 124 qui y conduit n'est en effet pas programmé avant 2013. Et quand les crédits sont là, c'est le Conseil d'Etat qui annule les déclarations d'utilité publique à Urdos ou le tribunal administratif qui suspend les travaux de la déviation de Bedous. "Les poids lourds continuent de ne même pas pouvoir s'y croiser au fort de Portalet", se désole l'association Béarn-Adour-Pyrénées. "Il faut encore une heure et demie de route pour y arriver depuis Pau", peste carrément un fonctionnaire du conseil général des Pyrénées-Atlantiques.

Entre les extrémités frontalières surchargées du Perthus et de Biriatou, c'est un "nouveau chemin pour l'Europe" que voulaient les amis du maire PS de Pau André Labarrère et du président béarnais de l'UDF François Bayrou. Ils ont bien un magnifique ouvrage d'art de 8.602 mètres qui passe sous les sommets des Pyrénées centrales. Mais toujours pas la route qui va avec. "Ce sont les ministres Gayssot et Voynet qui ont tout fait capoter", maugrée le cabinet de François Bayrou à Pau. "Voynet nous a trahis en refusant de défendre la vallée", répondent amers les écologistes béarnais. D'accord pour exprimer leur déception, les deux camps sont également d'accord pour taper à bras raccourcis sur la ministre de l'Environnement de Lionel Jospin.

- "Eloge funèbre".

La direction départementale de l'Equipement a fait ses comptes: au maximum 180 camions ont emprunté chaque jour la vallée d'Aspe en 2002. Le tunnel ouvert, il devrait y en avoir 238 en 2003, 304 en 2008 et à peine 466 en 2017. "Les camions continueront de passer par le Pays basque pour se rendre en Espagne...", regrette la chambre de commerce de Pau. "Ce tunnel est une connerie durable", moque de son côté un élu vert toulousain. Une "connerie" qui aura tout de même coûté 1,8 milliard d'euros. "Une fumisterie, ajoute le collectif anti-Somport, un jouet pour les élus locaux désireux de laisser leur empreinte sur les lieux."
Pendant que les ministres français et espagnol des Transports découperont le ruban sans claque ni fanfare sous le tunnel, les écologistes de la vallée, accompagnés d'écologistes bas. Ils prononceront là "l'éloge funèbre" de la vallée. "Ce sera l'enterrement solennel de nos dix ans de combat", ajoute l'un d'eux.

C'est en 1988 que le projet d'un axe routier européen Pau-Saragosse par le col du Somport est rendu public. Le creusement du tunnel frontalier commence deux ans plus tard. Le conflit aussi. D'un côté, l'Indien du Somport, Eric Pététin et sa plume de vautour dans les cheveux, de l'autre, la cavalerie des élus et des engins de chantier. Eric Pététin sera condamné huit fois à la prison. Il a, en vrac, chargé les gendarmes aux cris de "mort aux visages pâles", tenté de saboter le chantier ou lancé du gaz lacrymogène au nez d'un ouvrier de la route.

Avant de perdre les pédales et de quitter la vallée en 2000. En face de lui, les tenants du tunnel se sont organisés. L'UDF François Bayrou et le socialiste André Labarrère ont manifesté bras dessus bras dessous dans les rues de Pau en 1993. Pendant que les élus de la vallée promettaient à leur population un développement local radieux. Le nez sur la RN 124 toujours en serpentin jusqu'au col, ils ne promettent d'ailleurs plus rien aujourd'hui.

Les partisans du Somport doivent se dépêcher d'obtenir l'aménagement routier de la vallée. La réouverture de la ligne franco-espagnole de chemin de fer Pau-Canfranc, qui a fonctionné entre 1928 et 1970, est annoncée pour 2006.

Auteur: Gilbert Laval
Source: Libération du 17 janvier 2003

[Ndr: Au 9 juin 2007, en pleine campagne électorale législative et après les présidentielles, il n'y a pas l'ombre d'un projet d'ouverture de la ligne de chemin de fer. Le tunnel de chemin de fer est d'ailleurs transformé en tunnel d'évacuation du tunnel routier en cas d'accident. Sa destination n'est donc plus celle d'une voie ferrée.]

- Inauguration tendue du tunnel Somport

En dépit de l'opposition des élus locaux et des manifestations des habitants, le ministre des Transports a officiellement ouvert vendredi, en compagnie de son homologue espagnol, le tunnel du Somport qui va relier les deux pays dans la vallée d'Aspes. Les Verts ont même organisé une "inauguration alternative".

Le tunnel du Somport, qui relie la France à l'Espagne au milieu des Pyrénées, a été inauguré vendredi après-midi, sur fond de contestation, par les ministres des Transports des deux pays en présence de Mme Loyola de Palacio, commissaire européen aux Transports et à l'Energie. Dans la lignée des nombreux rassemblements qui avaient accompagné la construction de l'ouvrage, une manifestation à laquelle participait le député Vert de Noël Mamère a été organisée à Urdos, le dernier village français avant le tunnel, tandis que les 13 maires de la vallée d'Aspe avaient décidé de boycotterl'inauguration.

- Inauguration sous haute protection

Dépourvu de péage, le tunnel long de 8,6km devait ouvrir à la circulation à partir de 22h. Et son inauguration s'est déroulée sous étroite protection. Les abords de l'ouvrage étaient filtrés par les forces de l'ordre, qui voulaient éviter la présence de manifestants qui ont bloqué la RN134 à Urdos durant plus de deux heures. Cinq kilomètres après le village, sur une route encore en travaux, on arrive en effet sur un plateau donnant sur l'entrée du nouvel ouvrage. A flanc de montagne, taillé dans le roc, le tunnel de deux fois deux voies s'enfonce vers l'Espagne.
Le ministre français des Transports Gilles de Robien est arrivé en hélicoptère militaire jusqu'au pied du tunnel. La cérémonie officielle de la découpe du ruban à laquelle assistaient également son homologue espagnol Francisco Alvarez-Cascos et Mme Loyola de Palacio s'est effectuée au coeur de l'ouvrage, à l'endroit exact de la frontière entre les deux pays, à 2,8km de l'entrée française. La cérémonie a été rapide, en présence d'élus des deux pays, de représentants des autorités préfectorales et d'une multitude de photographes essentiellement espagnols.
Gilles de Robien a demandé aux élus contestant le tunnel de "faire confiance au gouvernement". "Je crois que la population a besoin d'être rassurée. Elle a été beaucoup traumatisée par les travaux et les allées et venues", a-t-il expliqué. "J'ai débloqué des fonds" pour que soient entrepris "dès 2003 des travaux de sécurité. 2003-2006, avant la fin du contrat de plan, il y aura un début de réalisation du contournement d'Oloron. Il y aura vraiment des choses qui vont avancer" de cette réalisation commune qui ouvre les voies européennes du développement". De son côté, Loyola de Palacio a déploré "le retard pris par l'Europe dans le ferroutage, seule solution pour désengorger le passage des marchandises par les Pyrénées".
A Urdos, des manifestants ont bloqué symboliquement la RN134 à la mi-journée pour marquer leur mécontentement. "Ce qu'on avait prévu il y a dix ans est arrivé: on prend les problèmes à l'envers car le tunnel est creusé et les routes non encore aménagées. On aurait dû étudier ce que la vallée pouvait supporter et aménager un ouvrage en conséquence", a lancé Paule Bergez, présidente du Comité des habitants de la vallée d'Aspe.

- "Le massacre de la vallée"

Pour sa part, Noël Mamère a dénoncé "le massacre de la vallée, qui va devoir supporter 1.500 camions par jour, un cauchemar qui va ruiner la vallée d'Aspe. Le tunnel a coûté 1,8 milliard de ff (quelque 270 millions d'euros), et avec cet argent, on aurait pu construire 300km de voie ferrée et favoriser le ferroutage", a souligné l'ancien candidat des Verts à l'Elysée. Les habitants de la vallée et certains élus ont manifesté pacifiquement sous la surveillance des forces de l'ordre, qui sont intervenues sans brutalité pour dégager la route.

Le tunnel du Somport a bénéficié de subventions européennes. Les Espagnols ont cumulé 50% d'aides alors que la France n'en a reçu que 15%. Les aménagements complémentaires de sécurité imposés par la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc ont retardé de trois ans l'ouverture du Somport. Il devait être ouvert aux voitures et aux camions -à l'exception de tous les véhicules de transport de matières dangereuses- à partir de vendredi 22h. La circulation sera limitée à 80km/h et surveillée constamment par radar. La distance de sécurité entre deux voiture sera de 100m, et 150m pour les camions de plus de 3,5 tonnes.
Les poids-lourds transportant des matières dangereuses devront attendre 2005 et la fin des aménagements complémentaires de sécurité avant d'emprunter le tunnel, considéré comme le plus sûr jamais construit en Europe.

Une manifestation est prévue à Urdos samedi, pour protester contre l'ouverture de l'ouvrage.

Source: Nouvel Obs / AP du 17 janvier 2003

- Sud-Ouest

Les échos avant les discours
Un comité d'habitants qui se mobilise, des réunions publiques qui s'annoncent, des élus qui s'inquiètent... L'ouverture du tunnel se prépare aussi dans la vallée

Le Somport et sa loi
L'accès au col de semi-remorques lourdement chargés est périlleux en hiver, mais camionneurs espagnols et français partagent un code des bonnes manières

"Une catastrophe pour la vallée"
L'ouvrage sera inauguré demain. Deux ans après son départ de la vallée, Eric Pétetin, figure emblématique du combat antitunnel, n'a rien perdu de ses convictions

Les maires boudent l'inauguration et organise le boycott
Aucun des maires de la vallée d'Aspe ne participera à l'inauguration du tunnel a déclaré mercredi, à Jaca, le député UDF Jean Lassalle, devant la presse espagnole

Inauguration sur fond de grogne
Les maires de la vallée vont boycotter aujourd'hui la cérémonie présidée par Gilles de Robien, ministre de l'équipement

Ouverture et démission du maire d'Urdos
Le maire d'Urdos et son conseil municipal vont quitter leurs fonctions avant la fin du mois. Aujourd'hui ils vont couper la circulation à partir de 13 heures

- Le Nouvel Observateur

Les élus boycottent le tunnel Somport
Le ministre de l'Intérieur a officiellement ouvert vendredi, en compagnie de son homologue espagnol, le tunel qui va relier les deux pays dans la vallée d'Aspes. Une cérémonie boycottée par les élus locaux qui dénoncent les nuisances induites. Les Verts ont même organisé une "inauguration alternative".

Trois questions à Jean Lasalle
Comment réagissez-vous à l'inauguration du tunnel du Somport par le ministre des Transports alors que le gouvernement prétend améliorer la sécurité routière?

Le Ministre Gilles de Robien est pour le Somport
A quelques heures de l'inauguration du tunnel routier du Somport, le ministre de l'Equipement, des Transports et duLogement Gilles de Robien a défendu ce projet très controversé, estimant qu'il constitue une jonction capitale pour la construction de l'Europe.

- Le Monde

La traversée routière sous les Pyrénées enfin réalisée avec accès gratuit
L'inauguration, le 17 janvier, de ce tunnel, d'un coût de 255 millions d'euros, permet le désenclavement de deux régions frontalières. Mais son accès du côté français pourrait demeurer longtemps difficile. Il symbolise l'échec des écologistes, qui voulaient valoriser la voie ferrée.

- Libération

Au bout du tunnel du Somport, la vallée désabusée
Après quinze ans de conflit, l'inauguration a lieu aujourd'hui. Et ne satisfait aucun des deux camps...

- Après seize ans de discorde, le tunnel du Somport doit être inauguré aujourd'hui à midi.

Au Somport, l'asphalte passe devant le rail
Dans la vallée d'Aspe, si certains se réjouissent de cette ouverture, beaucoup s'inquiètent de la priorité donnée au tout camion. D'autant que la ligne ferroviaire, elle, ne semble pas prête d'être rénovée.

Avec discrétion, de ce côté-ci de la frontière. Est-ce parce que les deux tiers de l'ouvrage sont situés en territoire espagnol, ou, surtout, par crainte d'un mouvement de protestation dans la vallée d'Aspe que la seule cérémonie scellant officiellement l'ouverture du nouveau tunnel routier transpyrénéen du Somport se déroule ce midi "tras los montes" ("de l'autre côté de la montagne"), à Jaca (Aragon), en présence des autorités espagnoles et du ministre français des Transports, Gilles de Robien? Evoquée dès 1987, la construction de ce tunnel de 8,6 kilomètres a longtemps été retardée en raison d'une opposition puissante et conjointe des habitants soucieux de protéger l'environnement de la vallée, et de tous ceux préférant accorder la priorité au ferroviaire et non au "tout camion" pour le transport de marchandises. L'ouvrage relie la RN134, qui mène de Pau à la frontière, à la route 330 qui descend vers Huesca puis Saragosse. Si, en Espagne, l'accès routier menant au Somport a été totalement modernisé, il n'en est pas de même du côté français où la route étroite, insérée entre les flancs de montagne et traversant plusieurs villages n'a toujours pas, pour l'essentiel, été aménagée. Selon un constat de la République des Pyrénées, il faudrait attendre 2018, au rythme actuel d'affectation des crédits pour que les travaux soient achevés entre Oloron-Sainte-Marie et le tunnel.

Il y a ceux qui applaudissent des deux mains à l'ouverture de l'ouvrage. "Enfin, on va rentabiliser cet investissement qui roupillait depuis tant d'années", se félicite Michel Brau, président de la chambre de commerce et d'industrie de Pau-Béarn. Un événement attendu, pour le président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, Jean-Jacques Lasserre, qui compte obtenir de l'argent de la part de Gilles de Robien pour réaliser les travaux sur la RN134. Il y a ceux qui hésitent comme le député UDF de la vallée, Jean Lassalle. Il ne se rendra pas à cette inauguration qu'il juge "au rabais et indigne de notre pays". Favorable depuis le début à la construction du tunnel, il aurait préféré - dit-il aujourd'hui - que les travaux de mise en sécurité de la route y accédant soient réalisés avant son ouverture.
Tous ceux qui, pendant plus de dix ans, ont tenté par toutes les mobilisations de convaincre que la vallée d'Aspe n'avait pas vocation à devenir un couloir à camions sont partagés entre la tristesse et la colère. "Bien sûr, on savait ces derniers temps que le tunnel allait ouvrir, mais les valléens savent aussi qu'aucune des promesses de développement économique qui étaient annoncées pour les inciter à accepter cette traversée routière n'a été tenue", s'indigne Maryse Darsonville, président du collectif Alternative Somport qui regroupe les habitants, les associations et partis opposés à la politique du tout routier.

Parce qu'un mauvais coup n'arrive jamais seul. Une étude réalisée par Réseau ferré de France (RFF) indiquerait que le coût de remise en service de la ligne ferroviaire Pau-Canfranc, qui traverse les Pyrénées en longeant la RN134, serait multiplié par trois par rapport à une précédente estimation officielle qui provenait pourtant d'une filiale commune à la SNCF et à la RATP, à savoir le cabinet Systra. Beaucoup, ici, en vallée d'Aspe n'hésitent pas à parler d'un coup bas, au moment ou le tunnel s'ouvre, contre l'acquis obtenu sous le précédent gouvernement par tous ceux qui sont intervenus en faveur du rééquilibrage du transport de marchandises de la route vers par le chemin de fer. Bernard Barrère, vice-président du Comité pour la réouverture de la ligne Oloron-Canfranc (CRELOC), parle d'une curieuse coïncidence entre ces rumeurs lancées sur le coût de la ligne et l'ouverture du tunnel routier. "Face à l'afflux de camions que va susciter le tunnel du Somport, estime le CRELOC, il va se confirmer que la seule solution reste bien la remise en service pour le fret de la ligne SNCF. "Bernard Barrère garde espoir, quand il affirme que les Espagnols envisagent toujours d'électrifier et de moderniser toute la voie ferroviaire menant de Saragosse à Huesca et Canfranc. Il faut savoir qu'actuellement 90 % du trafic marchandise entre la France et la péninsule ibérique est assuré par poids lourds, avec l'asphyxie annoncée du réseau routier et autoroutier, si la tendance n'est pas rapidement inversée. L'objectif de doublement en dix ans du trafic du fret ferroviaire, fixé par Jean-Claude Gayssot lorsqu'il était ministre des Transports, l'avait conduit, en avril 2000 aux côtés du président du conseil régional d'Aquitaine, à signer dans le contrat de plan un premier investissement de 340 millions de francs pour la réouverture de la ligne Pau-Canfranc. Des perspectives que le gouvernement Raffarin veut mettre à mal. Les subventions en faveur du transport combiné de fret viennent d'être réduites de 60 millions d'euros.

Se prononçant pour une interdiction du fret international routier dans le nouveau tunnel - "le transport de marchandises doit rester exclusivement interrégional" -, les communistes des Pyrénées-Atlantiques ont symboliquement inauguré, lundi dernier en matinée à la gare de Pau, la ligne ferroviaire menant jusqu'à Canfranc. Jean Péré, intervenant au nom du collectif communiste de l'agglomération paloise, devait rappeler quelques vérités sur les raisons qui poussent de plus en plus des murs de camions à s'entasser sur les accès transfrontaliers. "En France, on délocalise des productions agricoles et industrielles et l'on y fait des milliers de chômeurs. En Espagne, en Afrique, on exploite des gens qui travaillent sans droit et pour presque rien. Ici, entre les deux, on éventrerait les vallées, on asphyxierait au gaz d'échappement, on pourrirait la vie des riverains et des usagers locaux", pour expliquer un refus catégorique. Ils participeront, aux côtés de toutes les associations qui composent le collectif Alternative Somport à la manifestation qui doit se dérouler demain après-midi dans la commune de Bedous, au cour de la vallée d'Aspe, l'une des plus belles et des plus protégées vallées de toute la chaîne pyrénéenne.

Auteur: Alain Raynal
Source: L'Humanité du 17 janvier 2003

- Les élus boycottent le tunnel Somport

Le ministre de l'Intérieur a officiellement ouvert vendredi, en compagnie de son homologue espagnol, le tunel qui va relier les deux pays dans la vallée d'Aspe. Une cérémonie boycottée par les élus locaux qui dénoncent les nuisances induites. Les Verts ont même organisé une "inauguration alternative".

Une nouvelle manifestation contre l'inauguration du tunnel routier du Somport prévue en milieu d'après-midi vendredi s'est déroulée dans le calme entre 13h et 15h à Urdos. A l'appel des 13 maires de la vallée d'Aspe qui avaient décidé mercredi de boycotter l'inauguration du tunnel, quelque 150 manifestants, habitants des environs et militants écologistes, ont barré la RN 134 à Urdos, dernier village français avant le tunnel.
Cette manifestation n'a pas empêché le ministre des Transports Gilles de Robien et son homologue espagnol Francisco Avarez-Cascos d'inaugurer l'ouvrage en grande pompe quelques heures plus tard.
Les deux ministres, accompagnés par la commissaire européenne des Transports, Loyola de Palacio, ont coupé le traditionnel ruban à l'intérieur du tunnel à 15h45.

Ils devaient ensuite se rendre successivement aux entrées françaises et espagnoles du tunnel afin d'inaugurer des plaques commémoratives.

"Non aux camions"
Portant des banderoles, sur lesquelles on pouvait lire "non aux camions" ou "pas de camion, ni demain, ni jamais", les manifestants entendaient dénoncer l'insuffisance de l'aménagement de la RN134 qui relie le nouveau tunnel à Oloron. Sur les 46 km que compte cette route, quelque 20 km, parfois très escarpés, restent à aménager. La fin de ces travaux n'est pas prévue avant une quinzaine d'années.
Des manifestants ont sifflé le passage des deux hélicoptères transportant les officiels qui se rendaient à l'inauguration avant de commencer doucement à se disperser.
L'ouverture du tunnel devrait être effective dès vendredi 22h tant pour les voitures particulières que pour les poids lourds. Seul le transport de marchandises dangereuses reste interdit pour quelques mois encore. Plus tôt dans la journée, le député Noël Mamère et plusieurs autres élus verts de la région avaient procédé à une "inauguration alternative" symbolique du tunnel du Somport, barrant pendant quelques minutes aussi la RN134.

La crainte des élus
L'ouvrage international a été mis aux nouvelles normes de sécurité à la suite de l'incendie du tunnel du Mont-Blanc en mars 1999, une opération qui a retardé la mise en service de plusieurs années et alourdi très sensiblement la facture finale. Le montant de la construction s'élève à plus de 88 millions d'euros, rien que pour la partie française, sans compter les aménagements de l'accès en vallée d'Aspe. Des aménagements lourds rendus obligatoires par l'étroitesse de la route, côté français, qui rend difficile par endroits le croisement de deux poids-lourds. C'est ce point particulier qui a déclenché les foudres des écologistes de la vallée et de leur porte-parole Eric Petetin qui s'est distingué dans diverses manifestations et actions d'obstruction contre les engins de travaux du tunnel et chantiers de la RN134. Eric Pétetin, guide de montagne, condamné -notamment à de la prison ferme à de nombreuses reprises, a quitté son QG en vallée d'Aspe en 2000.

2.342 véhicules/jour
Les craintes des élus des communes de la vallée et des écologistes sont basées sur le risque d'une très grande augmentation du trafic de véhicules dans la vallée d'Aspe, considérée comme un joyau naturel où vivent encore les derniers ours des Pyrénées. Long de 8.602m -dont 2.848m en France et 5.754m en Espagne-, le tunnel du Somport est composé par un tube bidirectionnel à deux voies de circulation, une dans chaque sens. Les prévisions de circulation pour 2003 sont de 1.417 véhicules/jour dont 255 poids-lourds. Pour 2013, les prévisions officielles misent sur un trafic de 2.342 véhicules/jour dont 468 camions. Des chiffres contestés par les opposants au tunnel qui estiment que le trafic, notamment celui des poids-lourds, sera nettement supérieur. Les camions transportant des matières à risque devront attendre 2005 et l'achèvement de galeries complémentaires de secours. Pour Michel Brau, président de la Chambre de commerce de Pau-Béarn, on va enfin "rentabiliser cet investissement qui roupillait depuis tant d'années". Ce tunnel "aurait dû ouvrir sur une route sécurisée, or il y a encore un certain nombre de points noirs sur la RN134", a-t-il cependant fait valoir.

Pour la présidente du Collectif Alternatives Somport (1) Maryse Darsonville, "les autorités prennent de lourdes responsabilités en ouvrant dans ces conditions, avec un accès non sécurisé. Jusqu'au bout, a-t-elle dit, on aura essayé de les convaincre que la vallée d'Aspe n'a pas vocation à être un couloir à camions".

Source: Le Nouvel Obs / AP du 17 janvier 2003

(1) Toutes ces associations diverses et variées à conotation politico-environnementalistes ont pratiquement toutes disparues et n'ont jamais vraiement été représentatives de l'opinion locale. Avec le recul, nous pouvons dire qu'elles ont fait beaucoup de bruit, ont beaucoup mobilisé parfois contre leur propre camp politique gauche / écolo. Un véritable panier de crabes incontrôlable qu'il a toujours été difficile de cerner et de comprendre.

- Le tunnel routier du Somport est ouvert

L'ouvrage qui relie la France à l'Espagne au milieu des Pyrénées inauguré sur fond de contestations

Le tunnel routier du Som-port a été inauguré hier, au milieu des manifestations organisées par les écologistes français et espagnols partisans du transport ferroviaire, ainsi que par les élus de la vallée d'Aspe, qui jugent son ouverture prématurée.
Les ministres des Transports et de l'Equipement français et espagnol, MM. de Robien et Avarez-Cascos, accompagnés de la commissaire européenne aux Transports Mme De Palacio, ont découpé le traditionnel ruban à environ trois kilomètres de l'entrée française du tunnel, point du passage de la frontière. Ils ont ensuite visité le poste de commandement du tunnel situé à l'entrée espagnole.
M. de Robien a salué le "caractère exemplaire" de ce tunnel, notamment sur le plan de la sécurité (voir notre infographie), soulignant qu'il représentait "la seule solution écologiquement propre" pour traverser le Parc National des Pyrénées. Il a en revanche reconnu que l'aménagement de la route nationale 134, qui mène au tunnel côté français, était "insuffisant" et qu'il était "essentiel de pouvoir améliorer rapidement cette axe".

"Un coût exorbitant"
En l'état actuel des projets et des budgets, l'aménagement complet de la RN 134 prendrait encore une quinzaine d'années alors qu'en Espagne toutes les infrastructures d'accès sont achevées.
M. Avarez-Cascos a de son côté salué la naissance "d'un nouvel axe européen Nord - Sud", rendu possible par la "perméabilisation" des Pyrénées.
Les manifestants hostiles à l'ouverture se sont quant à eux fait entendre tout au long de l'après-midi: environ 150 personnes ont manifesté à Urdos, dernier village français avant le tunnel, à l'appel des treize maires des communes de la vallée d'Aspe. Les maires, qui ont boycotté l'inauguration officielle, voulaient dénoncer l'insuffisance de l'aménagement de la RN 134.
Un peu plus tôt, le député Noël Mamère et plusieurs autres élus Verts de la région avaient procédé, toujours à Urdos, à une "inauguration alternative". Ils ont barré quelques instants la RN 134 avec un ruban tricolore et une bande de papier, sur laquelle avaient été déposées des boulettes de pétrole du Prestige.
Pour les Verts, "le coût exorbitant" du tunnel, "1,8 milliard de francs (274 408 231 €) pour 8 km de routes", aurait permis de moderniser les quelques 320 km de voies ferrées reliant Pau à Saragosse (Espagne), ainsi que le tunnel ferroviaire du Somport, fermé depuis près de 30 ans.
Côté espagnol, des partisans de la solution ferroviaire ont fait bruyamment entendre leur voix à l'aide de cornes de brume, tenus à distance par la Guardia Civil.
L'ouverture du tunnel devait être effective hier soir à 22 h tant pour les voitures que pour les poids lourds. Seul le transport de marchandises dangereuses reste encore interdit (1). Côté français, son accès sera gratuit. Un péage côté espagnol est à l'étude.

Source: La Voie du Nord du 18 janvier 2003

(1) Le transport des matières dangereuses sera autorisé par le Préfet des Pyrénées-Atlantiques en 2006 contre l'avis de toutes les associations et collectivités locales. Un accident avec polution du Gave d'Aspe a eu lieu le 6 juin 2007... tout le monde s'y attendait sauf les pouvoirs publics. L'administration est toujours difficile à cerner lorsqu'il s'agit de l'application du principe de précaution.